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Kon- Tiki

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de données aux enregistreurs du Garuda, et il eut enfin le loisir<br />

de regarder autour de lui.<br />

Sa première impression fut quelque peu décevante, ainsi<br />

basée sur des souvenirs personnels de la Terre. Toute<br />

proportion gardée, il aurait pu faire de l’aérostation au-dessus<br />

des nuages de l’Inde. L’horizon ne paraissait pas plus éloigné<br />

que sur son monde natal. Il ne pouvait croire qu’il se déplaçait<br />

sur une planète au diamètre onze fois plus important. Il sourit<br />

et effectua une correction mentale, car un coup d’œil au radar<br />

infrarouge qui sondait les strates atmosphériques venait de lui<br />

confirmer à quel point il était aisé d’induire en erreur les sens<br />

d’un être humain.<br />

Les souvenirs qui lui servaient de référence changèrent de<br />

nature. Il voyait désormais Jupiter comme des centaines de<br />

sondes automatiques l’avaient fait avant lui. Les nuages qui<br />

paraissaient n’être qu’à cinq kilomètres de distance se situaient<br />

en fait douze fois plus bas. Et l’horizon, qu’il eût estimé à<br />

environ deux cents kilomètres, se profilait à près de 3 000.<br />

La clarté cristalline de l’atmosphère d’hydrohélium et la<br />

courbure de l’énorme planète auraient trompé tout observateur<br />

non averti. Il était ici encore plus difficile d’évaluer des<br />

distances que sur la Lune. Tout devait être au moins multiplié<br />

par dix. On l’avait préparé à procéder à cette conversion mais<br />

des éléments de son esprit refusaient d’admettre que Jupiter<br />

était démesuré à ce point et préféraient encore croire qu’il avait<br />

été réduit au dixième de sa taille normale.<br />

Sans importance. Ce monde était sa destinée. Il savait au<br />

fond de son être qu’il finirait par s’accoutumer à son échelle.<br />

Mais, alors qu’il fixait cet horizon incroyablement lointain, il<br />

lui semblait qu’un vent plus froid que l’atmosphère extérieure<br />

soufflait à l’intérieur de son âme. Tous ses arguments en faveur<br />

d’une exploration non robotisée de cette planète s’avéraient<br />

spécieux et il obtenait la confirmation d’une conviction<br />

profonde. Les humains n’avaient pas leur place, ici. Il serait le<br />

premier et dernier homme à descendre au sein des nuages de<br />

Jupiter.<br />

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