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<strong>Théorie</strong> <strong>du</strong> <strong>Bloom</strong><br />
– Et c’est là certainement le plus douloureux<br />
paradoxe de l’existence <strong>du</strong> <strong>Bloom</strong> :<br />
son corps vivant, sa physiologie parlante,<br />
il ne sait plus les écouter. Au moment<br />
même où l’ON veut à chaque instant les<br />
faire signifier, sexuellement.<br />
Qu’elle soit corps de femme ou d’homme ou<br />
même corps aux formes indiscernables,<br />
la chair <strong>du</strong> <strong>Bloom</strong> est encore prisonnière de<br />
la sexuation non sensuelle qui la traverse.<br />
Mais cette sexuation omniprésente et à la<br />
fois jamais vécue n’est plus que la source<br />
d’une souffrance sourde et persistante,<br />
comme celle qu’éprouvent les amputés<br />
pour un membre qui n’existe plus. De là le<br />
caractère essentiellement spectral, l’aura<br />
sinistre de la pornographie de masse<br />
contemporaine : elle n’est jamais que la<br />
présence d’une absence. Dans le monde<br />
entièrement sémiotisé <strong>du</strong> <strong>Bloom</strong>, un phallus<br />
et un vagin ne sont que des signes qui<br />
renvoient à autre chose, à un référent que<br />
nul ne retrouve plus dans une réalité qui<br />
n’en finit plus de s’évanouir. La chair <strong>du</strong><br />
<strong>Bloom</strong> est triste et sans mystère.<br />
Ce n’est pas le sexe qu’il nous faut réinventer<br />
: nous vivons déjà parmi les décombres<br />
de la sexualité, et notre corps<br />
lui-même en est un vestige. Les rôles<br />
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