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Du papyrus à l'hypertexte

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DU PAPYRUS À L’HYPERTEXTE<br />

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Nul n’est plus conscient que l’écrivain de cette transformation.<br />

Aussi, dans les productions romanesques et culturelles contemporaines,<br />

les rapports inégaux entre auteur et lecteur tendentils<br />

<strong>à</strong> être occultés, voire niés, plutôt que mis en scène de façon<br />

spectaculaire comme chez Diderot ou Sterne. Si, par la force des<br />

choses, un jeune lecteur accepte encore assez facilement d’être<br />

pris dans une relation inégale, il n’en va pas de même pour le lecteur<br />

adulte et sophistiqué. Celui-ci tolère mal que l’écrivain abuse<br />

de son pouvoir et il n’est pas prêt <strong>à</strong> lui concéder une quelconque<br />

position de supériorité énonciative ⎯ tout comme il refuse les<br />

incohérences et les invraisemblances narratives dans la mesure<br />

où celles-ci font bon marché de ses capacités d’anticipation et<br />

de raisonnement. Si l’écrit peut encore être dit le lieu d’un dialogue<br />

entre narrateur et lecteur, c’est seulement sur le plan virtuel,<br />

dans l’intériorité de l’acte de compréhension.<br />

Voil<strong>à</strong> donc située une des composantes premières de<br />

l’interactivité, qui remonte <strong>à</strong> cette possibilité ancienne que possède<br />

l’écrit de s’adresser directement au lecteur et dont le texte<br />

moderne a appris <strong>à</strong> jouer avec une extrême discrétion. Mais le<br />

dialogue ne saurait suffire <strong>à</strong> créer l’interactivité. Il doit encore<br />

être intégré <strong>à</strong> un ensemble textuel ou médiatique susceptible de<br />

modifications significatives en fonction des réponses du lecteur.<br />

Anticipant sur le concept d’hypertexte et de labyrinthe<br />

virtuel, Borges imagine dans “ Le jardin aux sentiers qui bifurquent<br />

”, publié en 1941, qu’un lettré chinois avait écrit un roman<br />

apparemment incohérent, comparable <strong>à</strong> un “ labyrinthe de symboles<br />

” ou encore <strong>à</strong> “ un invisible labyrinthe de temps ”. La clé de<br />

ce début énigmatique est fournie lorsqu’un savant anglais explique<br />

<strong>à</strong> son interlocuteur que l’incohérence du roman en question<br />

provient du fait que l’auteur avait pris en considération tous les<br />

dénouements possibles pour chacun des événements <strong>à</strong> survenir<br />

dans la trame narrative. Les contradictions et incompatibilités<br />

du roman chinois seraient donc dues <strong>à</strong> la juxtaposition des divers<br />

possibles <strong>à</strong> l’intérieur d’une même trame narrative. Une fois<br />

l’énigme élucidée, le récit peut alors se clore et le dénouement

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