Du papyrus à l'hypertexte
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DU PAPYRUS À L’HYPERTEXTE<br />
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les termes de R. Debray, “ le christianisme a fait au monde antique<br />
de l’écrit le même coup que l’imprimerie lui fera <strong>à</strong> son tour<br />
mille ans plus tard : le coup du léger, du méprisable, du portatif”<br />
(1991, p. 132).<br />
L’élément nouveau que le codex introduit dans l’économie<br />
du livre est la notion de page. Grâce <strong>à</strong> celle-ci, il deviendra<br />
possible, au cours d’une évolution lente mais irrésistible, de manipuler<br />
le texte beaucoup plus aisément. En bref, la page permettra<br />
au texte d’échapper <strong>à</strong> la continuité et <strong>à</strong> la linéarité du rouleau :<br />
elle le fera entrer dans l’ordre de la tabularité.<br />
Aussi le codex est-il le livre par excellence, sans lequel<br />
notre civilisation n’aurait pu atteindre son plein développement<br />
dans la quête du savoir et la diffusion de la connaissance. Il entraîne<br />
l’établissement d’un nouveau rapport entre le lecteur et le<br />
texte. Comme le relève Labarre, un historien du livre : “ Il s’agit<br />
d’une mutation capitale dans l’histoire du livre, plus importante<br />
peut-être que celle que lui fera subir Gutenberg, car elle atteignait<br />
le livre dans sa forme et obligeait le lecteur <strong>à</strong> changer complètement<br />
son attitude physique ” (p.12). En libérant la main du<br />
lecteur, le codex lui permet de n’être plus le récepteur passif du<br />
texte, mais de s’introduire <strong>à</strong> son tour dans le cycle de l’écriture<br />
par le jeu des annotations. Le lecteur peut aussi accéder directement<br />
<strong>à</strong> n’importe quel point du texte. Un simple signet lui donne<br />
la possibilité de reprendre sa lecture l<strong>à</strong> où elle avait été interrompue,<br />
ce qui contribue également <strong>à</strong> transformer le rapport avec le<br />
texte et en modifie le statut. L’historienne Colette Sirat note fort<br />
justement:<br />
Il faudra vingt siècles pour qu’on se rende compte que l’im-<br />
portance primordiale du codex pour notre civilisation a été de<br />
permettre la lecture sélective et non pas continue, contribuant<br />
ainsi <strong>à</strong> l’élaboration de structures mentales où le texte est dis-<br />
socié de la parole et de son rythme. (p.21).<br />
À partir du moment où apparaîtra le potentiel de cette<br />
unité de forme et de contenu qu’est la page, on verra lentement