Du papyrus à l'hypertexte
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CHRISTIAN VANDENDORPE<br />
construite. N’étant pas un code, elle ne déclenche pas chez celui<br />
qui la perçoit le jeu d’un décodage actif, <strong>à</strong> l’instar de la lecture<br />
dont le mécanisme, une fois acquis par l’enfant, tend <strong>à</strong> s’amorcer<br />
automatiquement devant tout texte apparaissant dans le champ<br />
visuel. Comme le fait remarquer Gombrich, “ pictures don’t tell<br />
their own story ” (p. 89). Un tableau ne s’exprime pas par propositions,<br />
il ne parle pas. Tandis que le texte excelle <strong>à</strong> mettre en<br />
marche la production du sens — et ne prend forme que dans le<br />
mouvement de la lecture —, l’image se contente d’être l<strong>à</strong>, nous<br />
happant d’un bloc ou nous laissant indifférents. Elle est ainsi toujours<br />
plus près des sens, de la nature, du non-mécanisable. Elle<br />
séduit, impressionne, suggère, incitant parfois le spectateur <strong>à</strong><br />
s’arrêter, <strong>à</strong> explorer, <strong>à</strong> contempler. Mais elle ne livre pas les clés<br />
qui enclencheraient <strong>à</strong> coup sûr le jeu de la signification.<br />
Même l’image publicitaire, lorsqu’elle communique un<br />
message, le fait surtout par son intentionnalité, le produit auquel<br />
elle est rattachée et son environnement verbal. Son intérêt ne<br />
réside pas d’abord dans une structure de sens avec laquelle on<br />
pourrait la mettre en équation, mais dans l’effet d’ordre affectif<br />
qu’elle est susceptible de produire sur le spectateur. À cet égard,<br />
il est significatif qu’un peintre aussi cérébral que Magritte considérait<br />
que “ le sens d’une image […] ne réside nullement dans<br />
l’explication qu’on pourrait en donner, mais dans l’effet que cette<br />
image produit sur le récepteur ” 44 . C’est dans cette opposition nécessaire<br />
entre sens et effet que l’on peut le mieux cerner ce qui,<br />
selon nous, fait la spécificité de l’image. Le langage produit du<br />
sens (ou du non-sens) et accessoirement un effet; l’image produit<br />
un effet (ou un non-effet) et accessoirement du sens.<br />
Le film présente, comme la parole, une séquence de signes<br />
temporellement orientée : il disparaît dès qu’on en arrête le<br />
mouvement. En proie <strong>à</strong> la fascination d’une action qui se déroule<br />
devant lui et qu’il ne peut interrompre, le spectateur ne peut<br />
guère prendre de distance mentale <strong>à</strong> l’égard de ce qu’il a sous les<br />
yeux : c’est après coup seulement que son esprit pourra y faire<br />
44 Everaert-Desmedt, 1990, p.89.