Du papyrus à l'hypertexte
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CHRISTIAN VANDENDORPE<br />
re une “ lecture ” différente et donc un “sens” différent, au gré du<br />
spectateur. On retrouve ici un point de contact avec l’hypertexte,<br />
qui, en principe, n’offre pas non plus de début ni de fin obligés<br />
aux divers parcours de lecture — sauf que le mode d’expression<br />
en est profondément différent et que dans le tableau tous les éléments<br />
sont coprésents, alors que dans l’hypertexte ils sont placés<br />
dans un rapport de substitution réciproque.<br />
Mais, qu’on ne s’y trompe pas, la lecture d’une image,<br />
au sens plein du terme, ne fournira une sensation d’achèvement<br />
et de nécessité que dans la mesure où elle s’exercera sur une séquence<br />
narrative ou sur la relation avec une légende évocatrice.<br />
L’exemple le plus typique est celui des œuvres allégoriques, qui<br />
sont souvent elles-mêmes la traduction picturale d’un récit archétypal,<br />
tel le tableau de la Manne de Poussin analysé par Louis<br />
Marin. Mais le sémiologue de l’image, qui n’était pas dupe de la<br />
métaphore implicite dans ces opérations de lecture, reconnaîtra<br />
ailleurs que le langage et la peinture ne signifient pas du tout de<br />
la même façon. Ainsi qu’il l’a formulé avec beaucoup de finesse :<br />
“ Dans le langage, les idées se substituent aux signes pour la communication<br />
des esprits. Dans la peinture, les signes se substituent<br />
aux choses pour le plaisir des imaginations ” (1994, p. 33).<br />
Sartre avait également opposé le fonctionnement sémiotique<br />
des images <strong>à</strong> celui du signe linguistique :<br />
Le peintre est muet : il vous présente un taudis, c’est tout; li-<br />
bre <strong>à</strong> vous d’y voir ce que vous voulez. Cette mansarde ne sera<br />
jamais le symbole de la misère; il faudrait pour cela qu’elle fût<br />
signe, alors qu’elle est chose (p .62).<br />
À la différence du mythe qui, selon Lévi-Strauss, avait<br />
toujours au moins pour fonction de “ signifier la signification ”,<br />
une image peut se contenter “ d’être l<strong>à</strong> ”; mais elle pourra être<br />
investie de valeurs supérieures selon le rapport qu’un individu<br />
donné entretient avec elle. Aussi peut-on dire avec Régis Debray<br />
que l’image est “<strong>à</strong> jamais et définitivement énigmatique, sans