Du papyrus à l'hypertexte
Du papyrus à l'hypertexte
Du papyrus à l'hypertexte
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
140<br />
CHRISTIAN VANDENDORPE<br />
direct : ce qui est enregistré, ce n’est pas de l’écrit, mais des sons.<br />
Or, on ne “lit” pas une bande audio, on ne peut que l’écouter. La<br />
différence entre les deux activités est capitale. Le son est par nature<br />
transitoire. Il n’existe que dans la durée de sa production : il<br />
ne peut être figé, fixé dans un moment donné. L’oral relève donc<br />
du flux temporel. Au contraire, ce qui est soumis <strong>à</strong> l’empire de<br />
l’œil peut être arrêté et manipulé <strong>à</strong> volonté: on peut <strong>à</strong> tout moment,<br />
et sans le secours d’une technologie particulière, retourner<br />
en arrière dans le texte, isoler des segments, les figer sous le<br />
regard ou les mettre en relation avec d’autres segments, établir<br />
des hiérarchies, placer des repères, faire des annotations, flécher<br />
des parcours. La vue est le sens par excellence de l’intellection car<br />
elle permet d’analyser <strong>à</strong> volonté les données considérées. L’ouïe,<br />
au contraire, capte toute la masse sonore présente <strong>à</strong> un moment<br />
donné — même si le cerveau peut apprendre <strong>à</strong> neutraliser avec<br />
succès des bruits ambiants — et elle ne peut la saisir que si elle<br />
ne la fige pas, mais la suit dans son mouvement temporel. Pour<br />
ces raisons, le monde sonore ne fait pas, normalement, l’objet<br />
d’une lecture, car cette opération exige un contrôle des données<br />
que l’ouïe ne saurait fournir. Par ailleurs, le monde du visible ne<br />
se rapporte pas exclusivement, loin s’en faut, <strong>à</strong> celui du lisible,<br />
mais le déborde et l’excède de toutes parts, car tout ce que l’on<br />
voit n’appelle pas une lecture ni ne se prête <strong>à</strong> cette opération.<br />
Il ne faudrait cependant pas non plus rabattre la lecture<br />
sur le seul matériau langagier, car on peut très bien lire autre<br />
chose que du texte. Ainsi apprend-on <strong>à</strong> lire un graphique, un<br />
schéma, un diagramme, un plan ou une carte géographique.<br />
Dans ces divers exemples, la présence d’une opération de lecture<br />
se reconnaît au fait qu’il est chaque fois nécessaire de mettre en<br />
relation des données codées en vue de produire du sens — qu’il<br />
s’agisse des variations de hauteur d’une courbe sur un axe des X<br />
en rapport avec celui des Y ou de la distance entre des points, de<br />
la grosseur des lignes et des traits qu’on peut y apercevoir, des<br />
variations de couleur ou des symboles divers servant <strong>à</strong> désigner<br />
des réalités naturelles ou culturelles. Ces acceptions élargies du