Du papyrus à l'hypertexte
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DU PAPYRUS À L’HYPERTEXTE<br />
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a pour effet de modifier l’économie du texte, qui tend <strong>à</strong> laisser <strong>à</strong><br />
l’image les données descriptives et référentielles pour se consacrer<br />
<strong>à</strong> l’explicitation des éléments abstraits ou des liens entre les<br />
données. De cette façon, le lecteur peut procéder <strong>à</strong> un travail<br />
d’exploration douce guidé d’abord par les illustrations. Ce genre<br />
de document hybride est nettement plus difficile <strong>à</strong> paraphraser<br />
et pourrait encourager le développement d’une pensée de type<br />
associatif, où le lecteur retient des éléments verbaux et iconiques<br />
dans une synthèse personnelle fortement teintée d’affectivité,<br />
qui tient plus de l’effet ressenti que de l’extraction d’une macrostructure<br />
sémantique.<br />
Une telle situation pourrait contribuer <strong>à</strong> réintroduire dans<br />
la culture du Web un trait de la culture orale. C’est la position que<br />
soutient par exemple Derrick de Kerckhove, qui s’appuie sur les<br />
travaux de W. Ong pour établir un lien entre la culture orale et la<br />
nouvelle culture de type associatif (p.108).<br />
En même temps, il est improbable que notre civilisation<br />
abandonne le contrôle de l’œil pour retourner <strong>à</strong> la culture orale<br />
du “ouï-dire”. Certes, sous plusieurs aspects, on observe des tensions<br />
dynamiques entre oral et écrit. Mais l’ordinateur semble<br />
encourager une domination sans conteste du visuel, dont l’empire<br />
s’étend de jour en jour. Cet extraordinaire convertisseur de<br />
signes permet en effet de transformer un nombre toujours plus<br />
important de données sous forme de tableaux ou de graphiques<br />
<strong>à</strong> deux ou trois dimensions. Et l’un des domaines les plus actifs de<br />
l’informatique consiste <strong>à</strong> mettre au point des logiciels capables<br />
de traduire des données numériques en images colorées, fournissant<br />
ainsi au lecteur des textes d’un type nouveau dont l’ambition<br />
est, comme le dit Rao, de “faire communiquer le cognitif<br />
avec le perceptuel”. Le graphique, en effet, dispose les données<br />
sur deux ou trois axes, de façon <strong>à</strong> traduire visuellement des rapports<br />
de causalité, de comparaison ou d’opposition. Un simple<br />
graphique peut ainsi remplacer plusieurs paragraphes de texte,<br />
tout en offrant au lecteur une possibilité de moduler son activité<br />
et de ne consacrer son attention qu’aux données pertinentes.