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des tic et des territoires - Portail documentaire du ministère de l ...

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38<br />

fin <strong>du</strong> XVIII e siècle, la mécanique faisait référence à<br />

la notion <strong>de</strong> « travail virtuel » dans les problèmes <strong>de</strong><br />

dynamique <strong>et</strong> d’équilibre <strong><strong>de</strong>s</strong> forces. C’est vers 1853<br />

que les op<strong>tic</strong>iens évoquent pour la première fois<br />

l’idée d’une « image virtuelle ». Celle-ci faisait<br />

référence aux images créées par <strong><strong>de</strong>s</strong> rayons lumineux<br />

traversant un système optique. Dans ce sens-là, une<br />

diapositive ou un film proj<strong>et</strong>és sur un écran sont <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

images ou <strong><strong>de</strong>s</strong> obj<strong>et</strong>s « virtuels », parce qu’ils n’ont<br />

pas <strong>de</strong> réalité matérielle en <strong>de</strong>hors <strong>du</strong> fait d’être <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

projections <strong>de</strong> rayons lumineux à travers la pellicule.<br />

En informatique, on parlait déjà d’obj<strong>et</strong>s ou <strong>de</strong><br />

systèmes virtuels pour désigner <strong><strong>de</strong>s</strong> dispositifs<br />

techniques capables <strong>de</strong> simuler ou <strong>de</strong> remplacer un<br />

obj<strong>et</strong> ou un système réel (terminal virtuel, mémoire<br />

virtuelle, adresse virtuelle, <strong>et</strong>c.).<br />

Lorsque l’on parlait <strong>de</strong> « réalité » virtuelle au<br />

début <strong><strong>de</strong>s</strong> années 90, on faisait référence à ces<br />

environnements informatiques « multimédia » <strong>et</strong><br />

interactifs dans lesquels l’usager a le sentiment d’être<br />

immergé physiquement <strong>et</strong> corporellement. Ce<br />

sentiment est créé en premier lieu par l’apparition <strong>de</strong><br />

la troisième dimension en informatique. Jusqu’à<br />

présent, l’usager <strong><strong>de</strong>s</strong> environnements informatiques<br />

était limité à la quadrature <strong>de</strong> l’écran qui lui<br />

perm<strong>et</strong>tait une visualisation bidimensionnelle <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

informations ; c<strong>et</strong>te vision « à plat » était, somme<br />

toute, assez similaire à celle que l’on peut avoir sur<br />

une feuille <strong>de</strong> papier. Maintenant, moyennant <strong>de</strong>ux<br />

ordinateurs <strong>et</strong> en remplaçant le tube cathodique par<br />

<strong>de</strong>ux écrans à cristaux liqui<strong><strong>de</strong>s</strong> placés à la hauteur <strong>de</strong><br />

chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> yeux sur un casque, on « pénètre » dans<br />

l’écran, avec l’illusion d’être dans un « espace » à trois<br />

dimensions. Là, on peut agir par le biais d’un « gant<br />

<strong>de</strong> données (data glove) » qui remplit en quelque<br />

sorte la même fonction que la souris. Demain le<br />

« data suit » simulera, avec ses milliers <strong>de</strong> points<br />

d’impulsions électriques, toute une série <strong>de</strong><br />

sensations physiques sur l’ensemble <strong>du</strong> corps afin <strong>de</strong><br />

reconstruire l’illusion <strong>de</strong> la matérialité <strong>du</strong> toucher, <strong>de</strong><br />

la résistance physique <strong><strong>de</strong>s</strong> obj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> corps.<br />

On peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, en regard <strong><strong>de</strong>s</strong> origines <strong>du</strong><br />

terme « virtuel », si ce vocable est approprié pour<br />

désigner la réalité technique qu’on lui fait recouvrir.<br />

En premier lieu, il faut remarquer que l’usage<br />

<strong>du</strong> terme <strong>de</strong> « réalité virtuelle » est fortement lié au<br />

mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’image <strong>et</strong> <strong>du</strong> visuel. Nous l’avons dit, il est<br />

apparu dès le moment où la troisième dimension a<br />

fait son apparition en informatique. Mais lorsque le<br />

bala<strong>de</strong>ur (walkman) est <strong>de</strong>venu un obj<strong>et</strong> d’usage<br />

courant, personne n’a parlé <strong>de</strong> « réalités sonores<br />

virtuelles » ; lorsque le téléphone est rentré dans les<br />

mœurs, on n’a pas parlé <strong>de</strong> « rencontre ou <strong>de</strong><br />

présence virtuelles » dans le logis ; <strong>et</strong> lorsque l’informatique<br />

<strong>de</strong> troisième génération s’est généralisée, on<br />

n’a jamais dit que les logiciels d’application – les<br />

jeux, les traitements <strong>de</strong> textes, les logiciels statistiques,<br />

<strong>et</strong>c. – étaient par excellence <strong><strong>de</strong>s</strong> univers<br />

« virtuels » : tous ces logiciels que nous utilisons<br />

Blaise Galland<br />

quotidiennement sont <strong><strong>de</strong>s</strong> environnements virtuels<br />

dans lesquels nous finissons par agir <strong>et</strong> « habiter »<br />

très concrètement. Ils font partie <strong>de</strong> notre « environnement<br />

mental ». Une secrétaire qui passe huit<br />

heures par jour « dans » un logiciel <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong><br />

texte voit ce logiciel <strong>de</strong>venir un univers <strong>de</strong> référence<br />

quotidien ; elle peut en rêver la nuit, penser aux<br />

différentes opérations qu’elle pourrait y effectuer<br />

tout en con<strong>du</strong>isant sa voiture dans les<br />

embouteillages.<br />

Par ailleurs, ces « réalités virtuelles » diverses,<br />

visuelles ou non, n’ont pas grand-chose en commun<br />

avec l’image <strong>de</strong> la graine <strong>et</strong> <strong>de</strong> la plante que les divers<br />

dictionnaires utilisent généralement pour expliciter<br />

le terme <strong>de</strong> « virtuel ». Si la graine est une plante en<br />

<strong>de</strong>venir potentiel, un logiciel qui crée l’une <strong>de</strong> ces<br />

« réalités virtuelles » est, lui, bien réel, <strong>et</strong>, sauf<br />

intervention <strong>de</strong> son programmeur, il n’évoluera pas.<br />

Le terme <strong>de</strong> « virtuel », tel qu’il est employé aujourd’hui,<br />

laisse entendre qu’on est en présence <strong>de</strong><br />

quelque chose d’irréel, comme pour les « images<br />

virtuelles » <strong><strong>de</strong>s</strong> op<strong>tic</strong>iens <strong>du</strong> XIX e qui les nommaient<br />

ainsi parce qu’elles étaient créées artificiellement par<br />

un prisme ou un autre dispositif optique qui avait la<br />

faculté <strong>de</strong> transformer <strong><strong>de</strong>s</strong> rayons lumineux. Or,<br />

c<strong>et</strong>te image proj<strong>et</strong>ée, même si elle ne correspond pas<br />

à une réalité tangible, est aussi réelle que le film<br />

qu’on va voir au cinéma.<br />

Si la réalité est dite « virtuelle » parce qu’elle est<br />

médiatisée par un dispositif quelconque, alors toute<br />

la réalité que nous percevons peut également être<br />

qualifiée <strong>de</strong> « virtuelle » : ça commence avec nos<br />

yeux qui ont leurs propres limites perceptuelles, ça se<br />

poursuit avec le langage qui crée les catégories avec<br />

lesquelles nous percevons notre environnement, <strong>et</strong><br />

notre socialisation qui prédétermine notre<br />

perception sélective <strong><strong>de</strong>s</strong> faits.<br />

Les univers créés par les informa<strong>tic</strong>iens sont<br />

finalement bien plus « artificiels » que « virtuels ». Ce<br />

sont <strong><strong>de</strong>s</strong> environnements construits pour créer une<br />

réalité, fictive certes, mais opérante en elle-même<br />

(parce qu’elle est interactive) <strong>et</strong> très souvent en <strong>de</strong>hors<br />

d’elle-même dans la mesure où elle peut agir à<br />

distance (elle est « téléactive »). Les programmes<br />

informatiques qui gèrent le trafic aérien d’un aéroport<br />

créent, pour le contrôleur aérien, un environnement<br />

artificiel (virtuel) qui simule l’espace aérien <strong>et</strong> la<br />

présence <strong><strong>de</strong>s</strong> avions, mais ce sont <strong>de</strong> vrais avions dont<br />

il s’agit, avec <strong>de</strong> vrais pilotes <strong>et</strong> <strong>de</strong> vrais passagers.<br />

Le terme <strong>de</strong> « réalité virtuelle » apparaît donc<br />

un peu comme un abus <strong>de</strong> langage développé dans<br />

les milieux <strong>de</strong> l’audiovisuel <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’image en général.<br />

Bau<strong>de</strong>laire parlait <strong>de</strong> « paradis artificiels » <strong>et</strong> non <strong>de</strong><br />

« paradis virtuels ».<br />

Le risque <strong>de</strong> « confondre le réel <strong>et</strong> le virtuel », si<br />

« virtuel » est pris dans son sens contemporain, est<br />

donc minime <strong>et</strong> restreint à <strong><strong>de</strong>s</strong> comportements

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