des tic et des territoires - Portail documentaire du ministère de l ...
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La plupart <strong>de</strong> ces questions correspon<strong>de</strong>nt à <strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations très pratiques : pourquoi les systèmes<br />
intelligents <strong>de</strong> communication ont-ils tant <strong>de</strong> difficultés à se diffuser dans le champ <strong>du</strong> transport<br />
routier <strong>de</strong> marchandises, au moins en France ? Quelles stratégies alternatives se <strong><strong>de</strong>s</strong>sinent pour<br />
l’accès au haut débit <strong><strong>de</strong>s</strong> régions faiblement urbanisées <strong>et</strong> quel bilan tirer <strong><strong>de</strong>s</strong> expériences existantes ?<br />
Quelles priorités en matière <strong>de</strong> recherche ou d’innovation ? Comment configurer <strong><strong>de</strong>s</strong> outils d’ai<strong>de</strong> à<br />
la conception pour qu’ils puissent effectivement servir à la concertation ? Mais elles prennent aussi<br />
leur sens dans une interrogation plus générale, proche <strong>de</strong> celle que pose très clairement en 1999<br />
Pierre Lévy dans son livre, « L’intelligence collective, pour une anthropologie <strong>du</strong> cyberespace » 3 :<br />
en quoi l’espace virtuel <strong>du</strong> savoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> la communication que créent les TIC est-il différent, complémentaire<br />
ou antinomique <strong><strong>de</strong>s</strong> autres formes historiques d’espace constituées précé<strong>de</strong>mment : l’espace<br />
naturel fondé sur le rapport au cosmos, l’espace territorial fondé sur l’appartenance <strong>et</strong> enfin<br />
l’espace <strong><strong>de</strong>s</strong> marchandises fondé sur l’insertion dans les flux <strong>et</strong> les processus économiques.<br />
Pierre Lévy défendait l’idée que le nouvel espace <strong>de</strong> la communication allait constituer une rupture<br />
« anthropologique » par rapport aux autres formes d’« appropriation » <strong>de</strong> l’espace <strong>et</strong> allait perm<strong>et</strong>tre,<br />
grâce à une meilleure « intelligence collective », un épanouissement simultané <strong><strong>de</strong>s</strong> i<strong>de</strong>ntités<br />
indivi<strong>du</strong>elles <strong>et</strong> <strong>du</strong> lien social ou démocratique. La vision qui se dégage à la lecture <strong><strong>de</strong>s</strong> ar<strong>tic</strong>les suivants,<br />
est moins radicale <strong>et</strong> sans doute plus modérée <strong>et</strong> contrastée. L’accès au haut débit ouvre sans<br />
doute <strong>de</strong> nouvelles opportunités <strong>de</strong> développement pour les communes rurales mais il renforce globalement<br />
la polarisation spatiale <strong>et</strong> les dynamiques <strong>de</strong> métropolisation. Le télétravail ne ré<strong>du</strong>it pas la<br />
mobilité mais s’y « hybri<strong>de</strong> » (bureaux « mobiles », phénomènes <strong>de</strong> double rési<strong>de</strong>nce…). Les techniques<br />
virtuelles – vidéoconférences, communications par Intern<strong>et</strong>, systèmes <strong>de</strong> positionnement, téléphone<br />
mobile… – ne se substituent pas aux déplacements mais les réorganisent. On est moins dans<br />
une dynamique <strong>de</strong> substitution que <strong>de</strong> complémentarité entre les différentes formes <strong>de</strong> structuration<br />
<strong>de</strong> l’espace.<br />
Finalement, ce qui apparaît avec le plus <strong>de</strong> clarté tout au long <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ouvrage, c’est la différenciation<br />
très forte entre trois logiques d’appropriation <strong><strong>de</strong>s</strong> technologies <strong>de</strong> l’information <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
la communication.<br />
D’abord une logique très forte d’appropriation indivi<strong>du</strong>elle, extrêmement dynamique, portée<br />
par les services à la personne, les loisirs, la communication interpersonnelle, les réseaux d’appartenance,<br />
la réactivité aux grands évènements… Comme le montrent Cynthia Ghorra-Gobin <strong>et</strong> Laurent<br />
Vonach, c<strong>et</strong>te autre construction <strong><strong>de</strong>s</strong> réseaux <strong>de</strong> communication, si elle favorise <strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong><br />
sociabilité, ne con<strong>du</strong>it pas spontanément à la constitution <strong>de</strong> nouveaux espaces publics.<br />
Ensuite, une <strong>de</strong>uxième logique <strong>de</strong> réorganisation <strong><strong>de</strong>s</strong> formes <strong>de</strong> travail, dans laquelle les relations<br />
<strong>de</strong> confiance entre employés <strong>et</strong> employeurs jouent un rôle central. Il est pour l’instant difficile <strong>de</strong><br />
savoir si c<strong>et</strong>te logique <strong>de</strong> restructuration évoluera vers un taylorisme poussé à l’extrême ou vers les<br />
formes réellement décentralisées d’« intelligence collective » que Pierre Levy appelait <strong>de</strong> ses vœux en<br />
1994.<br />
Enfin, une troisième logique, ni indivi<strong>du</strong>elle, ni collective, où l’enjeu est d’utiliser le potentiel<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> technologies <strong>de</strong> l’information <strong>et</strong> <strong>de</strong> la communication au profit <strong>de</strong> finalités collectives – la sécurité,<br />
l’administration <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>territoires</strong>, l’amélioration <strong>de</strong> la circulation, la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> crises, la par<strong>tic</strong>ipation<br />
à la vie démocratique… Beaucoup plus fragile <strong>et</strong> hésitante, c<strong>et</strong>te troisième logique doit<br />
surmonter <strong>de</strong> multiples obstacles : difficultés à trouver un « modèle économique » adapté <strong>et</strong> viable<br />
à long terme, offre <strong>de</strong> services à valeur ajoutée insuffisante, manque d’adhésion indivi<strong>du</strong>elle…<br />
Dans ce domaine, comme le montre bien l’ar<strong>tic</strong>le <strong>de</strong> Jean-Luc Ygnace, le développement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
technologies <strong>de</strong> l’information <strong>et</strong> <strong>de</strong> la communication ne peut être finalement dissocié <strong><strong>de</strong>s</strong> politiques<br />
publiques qu’elles accompagnent. On r<strong>et</strong>rouve l’idée <strong>de</strong> complémentarité déjà évoquée<br />
précé<strong>de</strong>mment.<br />
Ce triptyque nous a semblé suffisamment important pour servir <strong>de</strong> trame à un exercice <strong>de</strong><br />
scénario sur la « cité interactive » 4 qui viendra prochainement s’ajouter aux travaux présentés<br />
dans c<strong>et</strong> ouvrage. Le débat ouvert ici aura donc probablement une suite…<br />
3 Livre publié aux Éditions <strong>de</strong> la Découverte dans la collection « Science <strong>et</strong> Société ».<br />
4 Pour reprendre le titre d’une recherche publiée en 1997 aux Éditions l’Harmattan par Olivier Jonas <strong>et</strong> réalisée dans le<br />
cadre <strong>du</strong> programme <strong>du</strong> CPVS.