Le royaume d’Icare

Charles regarde le jeune homme s’engouffrer dans le bâtiment.
Il n’y croit pas trop aux associations, mais le jeune
monsieur cause comme un curé. Il n’est p’t-être pas très
beau son Paradis, mais il est pour bientôt. Sa patience, même
s’il est instruit, ça l’émotionne, Charles. Comme quand on
entame La Marseillaise. Quand c’est dans la poitrine, ça ne
ment pas.
Au Palais des expositions, le rez-de-chaussée est bondé.
On célèbre un courant artistique, devine Bénédict. De riches
bourgeois, quelques critiques instruits, des artistes en vue et
de jeunes marginaux, arrivistes sans le comprendre. Un rappel
amer s’impose au jeune arbitre qui monte l’escalier.
— Il n’y a pas d’art du peuple! Tout artiste est bourgeois!
rugit le jeune Ducrocq. Une bombe qui explose en silences
dans l’assemblée.
La guerre terminée, le printemps met Paris en liesse. L’auditorium
de l’université est gonflé de travailleurs et d’étudiants,
mais aussi de peintres, de comédiens, d’écrivains et,
surtout, des fondateurs du Cercle Rouge de Poésie Révolutionnaire.
Pour Bénédict, la littérature en tant qu’art est une marchandise
bourgeoise. Le roman fut synonyme de liberté
sous la plume de Balzac, mais c’était celle des bourgeois. La
littéraire est le véhicule idéologique de la classe dominante,
elle impose un rêve de bonheur, privilège des seuls riches. Le
héros romanesque se nourrit d’ambitions personnelles. Un
égoïsme qui disparaîtra forcément dans la société communiste.
C’est sa première prestation publique et un ressentiment
l’embrouille. Depuis le printemps, une abondante littérature
explique l’assassinat des dirigeants ouvriers à Berlin.
Résultat Rien. Plus on commente moins on agit; la colère
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