Le royaume d’Icare

— Ouais, beaucoup de préjugés envers les Juifs. C’t’un préjugé
qui r’fuse le droit d’négocier aux travailleurs,.
À la reprise, le duel devient un massacre. Eising déprime,
la bourse du perdant n’est que la moitié de celle du vainqueur.
Feuerbach ne concède que quatre nulles, dont deux
obtenues in extremis par Eising, en grand champion. Joseph
remporte les quatre autres joutes aux poings. Il atteint
le nombre magique de six victoires, à la fois grisé et confus
devant le fait accompli : sur l’échiquier, un cavalier de Feuerbach
fourchette roi et tour adverses, signant sa sixième victoire.
À chaque partie, le champion du monde est tombé sous
les coups de l’aspirant, s’est relevé en milieu de partie pour
parfois annuler grâce à une défense ingénieuse. Les autres
fois, replié dans un coin du ring, il encaisse les attaques du
jeune homme dans des finales impossibles à tenir. Mais jamais
Eising n’a laissé Feuerbach l’abattre en milieu de partie.
Round après round, Eising est retourné au combat amoché,
luttant d’instinct, miné par une profonde incompréhension
de la situation.
Joseph entend la tête du roi ennemi cogner contre l’échiquier,
rappelant le son du marteau qui condamna son père à
une honte injuste.
— C’est fini, murmure Eising. Vous êtes le champion.
Il tend une main branlante d’émotion…
— …au nouveau champion du monde, Joseph Feuerbach!
comme le célèbre déjà à haute voix un partisan enthousiaste.
Et hors propos.
»
»
78