Le royaume d’Icare

moduler sa peine, ouvre les bras pour étaler sa joie. Il la boit
des yeux et des oreilles, jusqu’aux larmes. Ne pouvant approcher
sa loge, trop de gens gênent, Jacques attaque de loin,
roses à la douzaine, greffées de billets parfumés d’éloges et
de tendresse. Une longue lettre quand une femme des plus
vulgaires lui ouvre à son grand étonnement les portes de
l’Éden. Les voilà seuls tandis que les autres piétinent dans
le couloir. On entend les bruits assourdis des voix derrière la
porte. Madeleine se dit touchée par ses mots.
— Vous écrivez bien, fredonne-t-elle, l’embarras la gagnant.
Moi, je ne sais pas écrire.
Il s’agenouille à ses pieds, levant des yeux de miel. Madeleine
vit au ciel, où il la contemple.
S’engage alors une course folle qui le laisse désarmé. Chacun
s’en mêle. Cette femme rustre, la mère de son amour
− à peine envisageable − a des exigences contractuelles loufoques.
Dumoulin père voit dans ce mariage le double avantage
de caser un fils mou sur les dames et de faire chanter
l’acier. Il se charge de la mère. D’extraordinaires complications
surgissent du choix d’une robe alors que Jacques s’empêtre
dans la promotion puis l’organisation d’une exposition
universelle qui prend des proportions bibliques. Le tsar Nicolas
est venu inaugurer les travaux de construction du pont
Alexandre-III, en mémoire de son père, en compagnie du
président Faure. Ce pont reliera Paris au site de l’exposition.
De semaine en semaine, les demandes d’information et les
réservations d’hôtel augurent un déluge de visiteurs.
Le nouveau marié se retrouve soudain dans la chambre
nuptiale alors qu’il lui semble s’être agenouillé avant hier
dans la loge de sa princesse. Son petit amour d’épouse quitte
en gambadant pour mieux revenir. Jacques en tremble d’attendre.
Les deux premières minutes lui paraissent un siècle.
Il se rappelle le journal dans sa poche veston, une manie. Il
ne voulait que se décontracter (si on peut dire), mais ce qu’il
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