Le royaume d’Icare

— Ils ont tous le même habit. Ça les rend fous que les
autres soient différents, répond-il au bout d’un long silence
dans l’obscurité.
Jonathan vient d’avoir neuf ans. Il a marché en suivant la
cadence, serrant la main de sa mère, impressionné par ce
tant-de-gens qui chantent. Ils sont à Bruxelles pour participer
à une manifestation. Des travailleurs ont défilé dans
l’après-midi devant certains officiels bien hauts perchés sur
leur balcon de pierre. Si loin en fait que l’enfant doute qu’ils
puissent entendre les doléances d’une foule que leur pose
marmoréenne irrite. Sans que Jonathan n’en voit la raison,
les uniformes de la justice ont chargé les marcheurs, frappant
sans discernement. Grâce s’est arrêtée pour aider une
femme enceinte qu’une foule paniquée a renversée et enjambe
sans ménagement.
Le soir venu, mère et fils reposent sur un lit de fortune
chez des amis. Grâce questionne son fils à propos des événements
de l’après-midi, guidée par les réponses de Jonathan.
— Un châtiment « uniforme », dirons-nous à Ingrid
— Oui.
Jonathan se blottit contre sa mère. Elle l’enserre de ses
bras. Il devine des larmes qu’il ne peut comprendre. Grâce
est aussi venue à Bruxelles pour consulter un spécialiste. La
vitalité s’échappe de son esprit comme de son corps.
Un corbeau blanc… Boey porte une main à sa tempe. Porteparole
d’une mécanique assurée de la vérité, il prétend guérir
et veut propager son traitement du vivant. Il révèle ses illuminations
dans des sectes où l’on vous range dans des boîtes
faites d’idées.
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