Le royaume d’Icare

s’accomplissant, humant la chair rouge ouverte, le sexe de la
mort. Elle hurlera son plaisir dans le rugissement des canons.
— Un fou, explique un père à ses enfants en portant un
doigt à sa tempe.
Perdu dans la réminiscence de sa plume, Jonathan a murmuré.
La vérité du fou est globale et totalitaire. L’insensé n’accepte
aucune opinion. Sa vue est épurée des détails et de
l’anodin. Le fou est sans compromis. C’est sourd au tumulte
des voix discordantes qu’il existe. Pour le fou, l’échiquier est
blanc ou noir, il ne comporte que trente deux cases. Le reste
est une surface vide de signification. Fou des cases blanches
et fou des cases noires ne se rencontrent jamais.
— Regarde, mon fruit d’amour. Ils le traitent comme un
prisonnier.
Ils sont au zoo d’Amsterdam, figés devant un orang-outan
qui les hume, mains aux barres de fer. La honte transperce
Jonathan. En un regard triste à soupirer de compassion, se
tient devant lui une aube d’intelligence mise en cage.
La vie se reniera elle-même, éblouie par ses faibles lumières.
Hors du sein, elle encombrera la Terre de ses machines. Les
aveugles prétendront voir là où la nuit ne règne plus, là où la
vie s’est retirée de la vie.
Le calepin Les poches de son veston. Non. Sur le banc. Il
rebrousse chemin, s’arrête net. Non! Dans sa valise. Consignée.
Pour ne pas la perdre. Faire vite. Ses jambes sont
raides, son souffle court, ses tempes martèlent la cadence au
tambour. Quand la grande soif sera calmée, engourdie de refus,
le soleil reviendra et Jonathan pourra à nouveau habiter
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