Le royaume d’Icare

— Ici nous ne risquons rien. Es-tu prêt C’est la présentation
officielle cet après-midi.
— Sommes-nous en retard
— Pas du tout. C’est que...
— Que
— Je voulais savoir...
Joseph ne trouve pas la formulation acceptable. Depuis le
matin qu’il y pense. Maîtrisant sa gêne, il demande enfin :
— Es-tu prêt pour le tournoi Te sens-tu bien
— Absolument. J’ai dormi comme un arbre en hiver. C’est
un château ici. Te rappelles-tu l’hôtel à Londres Quel chic.
J’étais jeune...
Sa voix se meurt et il devient songeur.
Joseph le regarde se brosser les cheveux. Si innocence. Il a
raison, un château. Le seul qui joue vraiment. Un sentiment
d’authenticité qui réapparaît chaque fois que Joseph le revoit.
Il lui tape sur l’épaule :
— Bien sûr que je me rappelle. J’étais jeune moi aussi.
— Tes filles ne viennent pas.
— Elles viennent de partir.
Pour le Polonais, il existe trois catégories de lieux. D’abord
les endroits où il repose et fait sa toilette. Un canapé et une
bassine ou un banc de parc et une fontaine, mais aussi un
logis d’ami partagé ou une chambre médiocre avec pain sec.
Quand la bonne fortune se souvient de lui, c’est une suite
d’hôtel ou une maîtresse accueillante qui lui tient lieu d’oasis.
Bref, ça oscille du quatre services avec maître d’hôtel aux
restes de table trouvés derrière les restaurants. Les seconds
lieux qui importent à Ekenstein, ce sont ceux où il joue aux
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