Le royaume d’Icare

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Au lever du soleil
Une belle journée, note mentalement Feuerbach à sa défunte
femme tout en s’installant à la table placée au balcon
de sa chambre. Comme le soir où je t’ai, enfin, où tu m’as embrassé.
Cigare éteint à la bouche, il dépose Le Phare parisien,
la chronique d’échecs en évidence. Il faut trouver un remplaçant
de qualité. Moins il y aura de participants, plus sera
difficile. Sur ce point, Joseph avait été intraitable : « Douze
joueurs de qualité serait un strict minimum pour que j’envisage
de participer ». Dans un long tournoi, l’expérience pèse
lourd. Reeves pourrait le vaincre avec son gambit. Contre lui
J’ai un plan.
Le champion du monde a été réveillé au lever du soleil, la
chronique d’échecs à paraître livrée à sa porte de chambre,
tel que spécifié par télégramme. Le majordome du baron l’a
rassuré hier au sujet de ses demandes. L’homme s’est personnellement
occupé « du bagage de monsieur ». Bianca est
aux anges. Elle a charmé tout le personnel. Elle a traduit pour
Hanna ce que disait le contrôleur dans le train.
Malgré l’embauche d’un personnel supplémentaire pour
prendre soin des invités, monsieur Feuerbach et ses filles
jouissent d’un traitement particulier — terme le plus descriptif
— de la part des domestiques du manoir. Ils logent
dans les appartements du bout de l’aile. Deux chambres avec
cabinet et un salon.
On achète ce qui brille à prix d’or, prophétisait Reeves, qui
semble tout anticiper. d’enthousiasme. L’évidence réveille
Joseph. C’est sa fougue qui le perd. Il avait oublié ce trait de
caractère de son vieil ennemi. Va falloir m’y mettre.
Depuis la guerre, Feuerbach se consacre au jeu de Go. Mis
à part de rares tournois, il a délaissé les échecs. En cachette,
pour ne pas ternir sa réputation. Reeves l’a réchauffé hier
soir. La discussion sur les fous dans le train avec Jonathan