Le royaume d’Icare

autour du livre tabou, cherchant en vain à s’affairer. L’arrivée
de la domestique l’a affolée. Celle-ci se demande par tous
les diables pourquoi madame est si surprise. Elle croit bon
de rappeler que c’est le jour de ménage au grand salon. Jill
lui accorde congé pour le reste de la journée sous un prétexte
que la demoiselle écoute poliment, tant bien que mal.
D’abord parce qu’une partie du vocabulaire et la grande majorité
des préoccupations de madame lui échappent totalement.
Elle ne comprend pas comment une dame si riche,
si belle, adulée par un banquier qui s’occupe à un jeu pour
ne pas déranger; comment cette femme instruite, bénie de
Dieu, peut se faire des difficultés. De plus, en aparté de l’explication
de madame, la domestique se demande si elle peut
être de retour chez elle pour le repas de midi.
La bonne disparue, seule dans le silence de son mensonge
Jill croque la pomme offerte. Elle ne le regrette pas.
Le contenu se révèle si différent de ce à quoi elle s’attendait.
C’est elle le sujet de ce journal. Aucune mention de la banque
ou des échecs. Combien elle aima Frank pour ces omissions.
Quand elle émerge d’une lente lecture où le plus souvent
les mots sont distraits par l’image, midi menace. Elle tricote
une raison plausible à l’absence de la domestique et remet
le journal à sa place, recomposant minutieusement le décor
de l’oubli. Une vraie gamine. Après le repas, Frank à son habitude
va fumer un cigare au salon. Jill s’occupe un moment
tout en se rappelant de ne pas regarder « là » en entrant. Il
quitte enfin pour la banque. Baiser amoureux, porte refermée.
Elle court de l’entrée au divan, le calepin n’y est plus.
Cette la nuit-là, elle s’éveilla à une remarque du calepin.
Avec une audace qui la surprit, elle se blottit contre lui, glissa
une main au bas-ventre de son amour, s’activa doucement à
le raidir, disparut sous la couverture et le prit dans sa bouche.
Frank en demeura muet.
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