Le royaume d’Icare

Madeleine en a rêvé du beau Miguel qu’elle épiait à Rome
l’an passé. Un mètre soixante-sept, les cheveux noirs bouclés,
les yeux d’un velours marron, les épaules carrées et une
taille tout en muscles avec des fesses de travesti et des mains
à soulever des tonnes de cristal. Le voilà miraculeusement
apparu devant elle, quémandant son aide. Noé ne fut pas
plus heureux de voir le soleil percer les nuages. Mais déjà on
cogne aux portes. Elle se retourne :
— Aidez-moi.
…à enlever sa robe. Merci madone.
Quand elle entrouvre, à demi vêtue, le spectacle enflamme
le carabinier qui balbutie.
— J’aurais crié, le gronde-t-elle. Je suis comtesse.
La porte refermée, ils s’étaient retrouvés face à face.
Âgée de trente huit ans, Madeleine est bel et bien comtesse.
Mais à Paris, où le titre perd du prestige à la bourse
démocratique. Sans enfant, madame se dira mariée à une
fortune et baisée par contrat. Une tristesse d’âme qui avoue
une innocence sans rêve, balayée par le sourire amer d’une
habitude à s’engourdir le cœur.
Une fois épuisés, ils se sont mis à parler. La comtesse a
laissé place à une demoiselle qui module ses émotions en
fredonnant.
Madame a obtenu un répit de deux semaines à Venise
pendant que « lui » prépare « son » tournoi; mademoiselle
aime a souligner certains termes. D’ailleurs, la tournure des
phrases trahit des origines modestes et un manque à aimer.
L’adonis portugais qui devait la rejoindre à Venise, mauvais
chanteur mais un bijou au lit, lui a fait faux bond, lui confiet-elle
sans pudeur.
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