Le royaume d’Icare

le joueur d’échecs souffrait d’ignorer : comment être objectif.
Sur le grand canapé, Miguel se dresse d’un bond. La
manœuvre de cavalier vient de lui sauter aux yeux. Il voit
bien que la reine peut éliminer le cavalier. Mais que madame
s’absente, il y a de quoi tenter l’infraction. Le tout vérifié, ça
mate! Un coup de dame dérangeant est nécessaire pour déstabiliser
les pièces noires. Miguel doit ensuite découvrir un
sacrifice de cavalier, le seul pertinent d’ailleurs. Une petite
demi-heure de réflexion y passe. Il était près d’abandonner
son enquête.
Marguerita surgit, il faut s’éclipser. Il court au café,
confisque à deux amateurs le jeu du patron et s’installe devant
un double espresso. L’avantage temporaire d’une dame
à l’aile roi s’avère décisif. L’idée est monnayable dans les cafés
mais il y a plus. La petite combine est un écran de fumée.
En menaçant impunément le flanc gauche adverse, le cavalier
va en profiter pour faire irruption à l’autre aile, ravivant
l’attaque blanche. Une tout autre partie que celle du livre. En
tournoi, ça surprend les meilleurs joueurs ces petites trouvailles.
Quoique, en y repensant, le Russe s’en est très bien tiré
à Rome. À peine le pied posé sur le piège, Kolarov s’est figé
dans une grimace de contrariété. Il s’est appuyé, les avantbras
croisés sur la table, et est entré dans une profonde réflexion.
Son plan de défense a concédé un minimum puis
le maître a commencé à reconstruire sa position coup par
coup. Des nerfs d’acier. Miguel est demeuré vigilant, sentant
la puissance de son adversaire. La partie nulle fut négociée à
l’aide d’un échange compliqué de pièces. Quand Kolarov fut
enfin prêt à prendre l’initiative, les munitions manquaient.
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