Le royaume d’Icare

Les empires du centre ont perdu la guerre. L’Allemagne
est amputée et la romantique Autriche-Hongrie démantelée.
L’Autriche naît. Vienne et ses valses glisse au second
plan derrière Paris, Berlin et Londres, de grandes villes industrielles
où le métal et le verre incarnent le futur. Prague
devient la capitale d’un pays nouveau, la Tchécoslovaquie.
Un pays composé de deux peuples et d’une capitale trop à
l’Est. Dès l’ouverture du siècle, Paris a attiré des dizaines de
millions de visiteurs à son exposition universelle, la population
d’un pays. Des universitaires de Prague quittent pour
Londres. Des écrivains s’exilent en Amérique. Des peintres
s’établissent à Paris. Les peuples germaniques ont perdu
puissance et vitalité. Les cercles ésotériques français et anglais
se sont rencontrés, auxquels s’ajoutent maintenant les
riches sectes américaines et les mystiques indiens. Le pourtour
de l’Atlantique Nord devient un centre d’intérêts et
d’échanges.
Une photo de lui et Feuerbach; « Prague 1908 » écrit au
dos. Le lieu de leur affrontement pour le championnat du
monde sous la bénédiction financière de l’Autriche-Hongrie.
Durant quelques semaines, Hans a été un héros dans sa ville
natale, lui qui venait de fonder une famille. Prague est maintenant
à l’intérieur des terres et non plus au centre, voilà
qui a changé. Devant l’échiquier les deux hommes regardent
l’objectif, lui jeune homme, Feuerbach encore vert. Si jeune.
Hans soupire.
Sises entre la Russie et la France, entre l’Allemagne et
l’Italie, entre l’Angleterre et la Turquie, Prague et Vienne
sont au cœur de l’action tout au long du dix-neuvième siècle.
L’aristocratie et l’Église s’y mêlent aux grands bourgeois, aux
hommes de science, aux ingénieurs et aux artistes. Maintenant
l’Amérique draine l’attention. Les puissances maritimes
ont étouffé les empires du centre. Un lutte tardive pour obtenir
des colonies et des ressources était devenu inévitable.
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