Le royaume d’Icare

à un asile. Je veux dire après l’incident. Le balancier
entre nous. Tu te rappelles. J’avais mal compris. Mais
ce n’est pas inévitable, John, fait attention, c’est important.
L’eau…
Trop de pensées l’avaient empêché de poursuivre sa lecture.
Les mots parcourus libéraient en lui la voix frêle de sa
sœur, un ruisseau d’émotions. Comme tu me manques.
Une nouvelle bourrasque balaie l’air et agite les feuillets.
De lourds nuages noirs s’avancent dans le ciel gris, suggérant
la charge d’une lointaine horde de cavaliers barbares. John
range la lettre dans la poche intérieure de son veston. Lire
l’esprit en paix, en Bouddha.
Une conversation approche, un accent américain. Un horaire
à vérifier. Un couple dans la cinquantaine. Une incessante
préoccupation pour plus tard. Ils hésitent devant la
menace de tempête. Deux ours rondelets, mains potelées et
parures en or. L’hiver, ils hibernent dans leur caverne d’Ali
Baba, un temple gorgé de richesses contre l’incertitude. Se
sentant scruté, le couple lui jette un regard qui le résume
aux mauvais plis de son veston et aux quarante-huit heures
d’une barbe clairsemée. John pouffe d’un rire qui les chasse.
Une image s’est imposée, burlesque. L’homme et la femme
sont attablés devant un pot de miel en forme d’ours. Derrière
eux, des coffres et des étagères regorgent de pots de miel.
D’abeilles.
L’idée le met en marche le long de la passerelle. L’emballage
devrait toujours exprimer le contenu. Comme la couverture
illustrée qu’on fait maintenant pour les romans.
Quand il ne peut dormir, John va lire en secret sous une
lumière dans un coin discret de corridor. Il a échangé trois
petits pains contre un livre chipé dans une bibliothèque.
«
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