Le royaume d’Icare

sagères laisse un colis, l’arrivée, devenue visible, de Miguel,
son bâtard. Le comte y voit l’occasion d’être bon prince et de
réaménager l’horaire avec quelques gâteries. L’enfant sera
adopté discrètement et entretenu un certain temps. Miguel
dispose de quatorze années avant qu’on le rende à son
peuple, lavé, brossé, éduqué et oublié.
Question instruction, l’adolescent obtiendra son diplôme
avec la mention « larme à l’œil ». La tutrice à qui la comtesse
S. abandonne à jamais sa progéniture encombrante est aussi
noble qu’elle, mais traîne une réputation. Alors qu’elle avoue
côtoyer la quarantaine, madame possède encore un cul de
première, qu’elle sait se faire demander; belle à soupirer et
distinguée à en bander. De telles dispositions s’ébruitent. Un
sultan peut lui donner le bras à l’opéra, mais les salons de la
haute société en font un usage plus discret. Les couples ne la
gênent pas le moins du monde. La dame a tout expérimenté.
La comtesse S. avait vu dans cette assignation une « sortie
» honorable pour sa petite erreur et une chance de rédemption
pour Béatrice, la tutrice de Miguel. Béatrice y met
tout son cœur et son expérience avec le môme. Un joyau
d’amour de trois ans à peine qu’on lui offre en adoption.
— Le plus beau tableau, le plus beau salon, le plus beau cul,
pontifie-t-elle devant son élève, c’est celui que chacun sait
chacun vouloir.
— Et les autres
— Des enculés.
Que Béatrice balaie sans égards du revers de la main. Sa
mère adoptive traite les arts, la finance, l’étiquette et les
connaissances de manière tout aussi cavalière que son derrière.
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