Le royaume d’Icare

Hans et Feuerbach ont analysé ses parties une à une
toute la soirée. Celles du docteur Feuerbach ensuite, dans
les trains et les gares, puis toutes les autres jouées au tournoi,
dont Itchkoff a soigneusement conservé une copie. Il a
même séjourné deux semaines à Berlin pour qu’ils achèvent
leur travail. L’année suivante, il publiera le livre des parties
analysées du Tournoi de Londres 1900, enrichi de commentaires
du champion du monde et vainqueur du tournoi, Joseph
Nicolas Feuerbach qui, ce signant, consacrait « maître
» le jeune Itchkoff. Deux années plus tard, le célèbre Manuel
d’Échecs de Joseph Feuerbach arrivait chez les libraires,
bientôt traduit en une dizaine de langues.
— Vous voyez, vous avez du talent ! s’exclame Joseph quand
Itchkoff lui montre sa surprenante réfutation d’un sacrifice
de Dvorek aux dépens de Culbertson.
Itchkoff passait le temps à tenter des coups inusités et
avait fini par dénicher une riposte à laquelle il ne crut pas
vraiment sur le coup, fatigué. À tête reposée le lendemain,
Hans avait trouvé le plan de défense.
— J’ai raté ma vie, constate-t-il les yeux ronds.
— Peut-être avez-vous perdu un peu de temps. Très peu en
fait, souligne le champion, amusé. Rêver, c’est accepter de ne
pas tout maîtriser. La situation est la même pour tous. J’ai
une variante fascinante à vous montrer.
— Vraiment.
— Qui fait rêver.
Le train est arrêté. Remballer. Les deux compères s’étaient
exposés un long moment aux feux du soleil, trop heureux
d’avoir encore des ailes à brûler. Ranger la photo. Une ligne
nouvelle dans la hollandaise, défense que Feuerbach ne joue
jamais. Il la réfutera par contre brillamment, onze années
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