Le royaume d’Icare

— Eh bien, de la même manière, si je vous donnais des pinceaux,
vous ne deviendriez pas un artiste. Et pour la même
raison. Vous retourneriez produire au travail.
Silence méditatif dans la salle, la médecine Ducrocq
s’avère amère au goût. Un des poètes du cercle révolutionnaire
se lève, furieux :
— Pourquoi pas un art révolutionnaire hors du système
d’exploitation capitaliste
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— Sur quelles bases
— Celles d’une société communiste! clame l’artiste, soulevant
un murmure approbateur.
— Alors laissons la société égalitaire du futur juger si l’art
l’intéresse, répond doucement Bénédict. Pour l’instant, le
mode de consommation bourgeois rend l’artiste improductif.
Au point où on peut se demander si certaines formes d’art
seront acceptables en dehors de la société marchande.
— Et les nouvelles tendances demande un jeune écrivain.
— Simple phase décadente de l’art bourgeois. L’art et le
mode de production vont main dans la main.
L’idée fut bien reçue. La nécessité de réinventer leur pratique
stimula certains créateurs. Mais la rudesse oratoire
du jeune universitaire avait incommodé les mandarins du
mouvement. On lui préféra des conférenciers plus modérés.
Cette gêne inavouée mais clairement ressentie avait poussé
Bénédict vers le journalisme. Une arme de guerre idéologique
qu’il va garder secrète.
Quand Bénédict arrive à l’étage, la séance de parties simultanées
bat son plein. Un spectacle illusoire à ses yeux.
La faiblesse des opposants est telle qu’ils ne posent aucun
problème réel au maître. Le plus souvent, quelques se-
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