28même s’il semble que cela ne se soit pas pour autant reflété par une baisse des prix pour lesconsommateurs.La route a créé des profits pour certains opérateurs économiques (commerçants et transporteurs,grands mais aussi petits) et des bénéfices importants pour les passagers (petits commerçants et autresacteurs économiques, mais aussi utilisateurs des services, p. ex. de santé) voyageant le long des axeset autour des centres urbains traversés. Elle a aussi créé des rentes pour certains propriétaires deterrains et de bâtiments. Mais elle n’a pas encore touché à l’économie des producteurs ruraux quiéprouvent encore des difficultés à accéder aux nouvelles opportunités créées. D’autre part, la route acréé également des externalités négatives, fruit inattendu de nouvelles dynamiques spéculatives dansles villes traversées, dans le foncier notamment. (I-422)L’analyse empirique, faute de données fiables, de l’impact de la route pour la sécurité des personnesdresse un constat globalement négatif. D’une part, la signalisation et d’autres mesures de sécurité nesont pas adéquates aux nouvelles vitesses des moyens de transport. D’autre part, les aménagementspour les espaces communautaires et p. ex. pour les écoliers dans les villages traversés sont presqueinexistants. La sécurité le long des axes réhabilités a baissé et ne pourra que se dégrader avec letemps. Des actions ponctuelles ou structurelles peuvent être considérées pour atténuer cettedynamique négative même si la conception de la route aurait pu mieux tenir compte des différentestypologies d’usagers dès sa conception. (I-423)La sous-estimation des externalités négatives au niveau de la conception et de la gestion de la routeest en partie liée à un manque de vision globale et intégrée des aménagements routiers au sein duMTPTC d’où émanent les demandes de financements. La route reste perçue comme étant une fin etnon un moyen. Pour cette raison, la BM a commencé à privilégier une approche territoriale dedésenclavement, en coordination avec le CIAT.4.4.3 CJ43 L’appui de l’UE a contribué à une amélioration durable du patrimoine routier (enparticulier concernant l’amélioration de l’entretien routier)Le pays dispose de quatre organismes publics articulés entre eux (le SEPRRN/MTPTC, laCCE/MTPTC, le FER et le CNE) et des embryons d’entreprises privés pour assurer les phases du cyclede l’entretien. (I-431)La principale avancée reste la création récente (fin 2012) de la Cellule chargée de l’entretien (CCE) enremplacement du SEPRRN, dotée seulement d’un ingénieur. Malgré son sous-effectif criant, la cellule aréussi à transmettre un certain nombre de projets au FER, lui permettant de décaisser. Toutefois, onreste très loin d’une programmation annuelle synchronisée et coordonnée, à l’image d’autres FER. Ilsemblerait, selon le Président du FER, qu’une telle programmation pourrait être envisageable en 2015ou 2016, soit plus de 13 ans après sa création. Si c’est le cas, le FER sera rapidement confronté à desérieuses limitations financières. Une proposition de loi pour le relèvement du montant de la redevanceà un maximum de 6% du prix du gallon d’essence est envisagée. Les projections des besoins pour2015 seraient de 4 400 Mio HTG par année. A titre de comparaison, seulement 388 Mio de HTG ontété reversés au FER pour l'exercice fiscal 2011/2012. Pour 2014, les recettes du FER ne couvriraientque 9% des besoins théoriques. (I-431)Ainsi, depuis et malgré la création du FER, le système fonctionne assez mal. Bien qu’ayant eu peud’impact sur le réseau routier, le tremblement de terre de janvier 2010 a interrompu un processus dedialogue des PTF avec le GdH et de construction institutionnelle, qui n’ont pas encore été repris. Lesquelques avancées enregistrées sont essentiellement le fruit de conditionnalités des appuisbudgétaires de l’UE, mais leurs effets restent très limités. (I-431)L’implication du GdH, avec, en particulier, une mobilisation de moyens techniques et humains duMTPTC gravement insuffisants et un sous-financement chronique du FER, parait le problème principal.Les différentes AT de l’UE au MTPTC ont été relativement impuissantes vis-à-vis de ce problème et lesaides au FER n’ont pas produit de résultats significatifs jusqu’à présent. Le système maintenu auxniveaux du MTPTC et du FER a fini par faciliter la réalisation de travaux « urgents » via le CNE, et destravaux lourds de réhabilitation permettant le maintien d’une rente non négligeable. L’absence demesure de protection du patrimoine, comme le contrôle des surcharges, renforce les besoinsd’interventions dans l’urgence privilégiant les travaux en régie. (I-432)D’une certaine manière, la rente issue de l’entretien routier a trouvé comme allié les transporteurs (etautres professionnels de la route) qui tirent parti d’un autre type de rente, celle sur le fret (marchandiseet passager). Il n’est pas évident que l’usager soit le bénéficiaire final de ce système croisé d’extractionde rente. Malgré tout, selon la BM, ces réseaux d’extraction de la rente ne semblent pas très puissantset pourraient disparaître rapidement si le flot continu de financements du secteur se tarissait(PetroCaribe essentiellement). (I-431 et I432)Evaluation de la coopération de l’UE avec la République d’Haïti 2008-2012Rapport final - Volume I - Août 2014 (Particip GmbH)
29En conclusion, les aides de l’UE se sont heurtées au manque de volontarisme des autorités localesjusqu’en 2013, date à laquelle de changements initiaux, dont il est difficile de saisir les conséquences,ont vu le jour. En vue de la poursuite d’actions dans ce domaine sous le 11 ème FED, l’UE devra seposer la question du contexte d’économie politique du secteur, qui risque de compromettre tousrésultats dans le secteur.4.4.4 CJ44 L’appui de l’UE a contribué à une meilleure structuration du territoire et unrenforcement de la cohésion nationale dans les régions desserviesIl est indéniable que la réhabilitation des tronçons des RN3 et RN6 a particulièrement dynamisé le traficroutier, tant de marchandises que de passagers. Malheureusement, il n’existe actuellement aucuncomptage systématique et exploitable objectivement. Cette affirmation repose sur une approcheempirique subjective issue d’entretiens avec les professionnels du secteur, les autorités municipales etune visite terrain. (I-441 et CJ42) L’appui de l’UE a sans conteste renforcé le désenclavement des deuxcapitales (Port-au-Prince et Cap Haïtien), mais aussi des villes traversées. Les travaux de la RN6 ontfacilité le transit transfrontalier. (I-441) Il est fort probable qu’au niveau national, l’impact économiquesoit important, bien que non chiffrable faute de données fiables et récentes. Par contre, au niveaurégional, l’impact de la route apparait beaucoup plus mitigé.Les aspects positifs sont nombreux :Les dynamiques économiques locales, reposant essentiellement, sur la valorisation foncière,ont favorisé les investissements dans l’immobilier et dans des entreprises privés, de transportnotamment, contribuant ainsi à augmenter l’offre.La ville de Mirebalais a été la première à profiter des effets induits de la route depuis plusieursannées avec la réhabilitation du tronçon Port-au-Prince / Mirebalais. Tous les interlocuteursrencontrés confirment de profonds changements dans la ville et le profil de ses habitants.D’ailleurs, les dépôts bancaires dans la région Centre n’ont-ils pas triplé ses dernières années,selon la BM ? Les externalités positives de la route sont donc indiscutables, tant elles sontévidentes. (I-442)Cet effet de richesse structure le territoire en créant des dynamiques nouvelles ou en libérantd’autres jusqu’alors réprimées faute d’une demande ou d’une offre suffisante. Il s’agit là du rôlestructurant de la route, tel qu’espéré dans les documents de projet, dont l’origine provient del’initiative privée plutôt que de politiques publiques coordonnées.Cependant, le GdH, comme l’UE, aurait sans doute gagné en efficacité en favorisant des synergiesavec des investissements complémentaires dans d’autres secteurs (agricultures, routes rurales, crédits,appuis aux villes, etc.). Ce ne fut pas le cas et, en y regardant de plus près, un nombre non négligeabled’externalités négatives et inattendues peuvent être dénombrées. Les villes se sont certainementdéveloppées, mais de façon anarchique. Le secteur privé a laissé aux pouvoirs publics la responsabilitéde gérer, sans moyens adéquats, un flot continu de problèmes sociaux et sanitaires issues de l’activitééconomique en augmentation. Parmi ces problèmes, on peut citer : (1) la précarité des voiries face àl’afflux de véhicules, (2) le manque et l’inadéquation des infrastructures sociales (centres de santé,écoles, logements, marchés, abattoirs, etc.) ou (3) l’insécurité routière et urbaine. De leur côté, leszones rurales restant enclavées faute de pistes rurales. La route a renforcé la compétitivité des produitsimportés au détriment de produits locaux. (I-442, I-423 et CJ42)Ainsi, si la route a incontestablement unifié le territoire national, elle a contribué à l’augmentation dudifférentiel entre sa zone d’influence immédiate (son pourtour et les villes) et le reste des régionstraversées localement. La cohésion du territoire national n’aurait ainsi pas bénéficié la cohésion locale.Illustration 4Source : ParticipLa RN3 (entre Hinche et Mirebalais)Le modèle de route proposée est aussiresponsable de cette situation. A la déchargede l’UE, ce modèle est celui défendu etdemandé par le MTPTC. Il a été conçu, il y apresque vingt années et l’intervention de l’UEse justifiait par l’absence de financement dansle secteur. Actuellement, ce n’est plus le cas.L’Etat investit massivement dans les routes viale fonds PétroCaribe ou des ressourcespropres. Le soutien de l’UE n’est plusindispensable, surtout lorsqu’il s’agit de produirede la « route traditionnelle ». Face à desréclamations toujours plus nombreuses, le CIATprône un nouveau modèle de développementroutier qui se veut en harmonie avec le potentielEvaluation de la coopération de l’UE avec la République d’Haïti 2008-2012Rapport final - Volume I - Août 2014 (Particip GmbH)