40sécurité alimentaire. Les différentes interventions sont en effet pour la plupart restées cantonnées dansune logique de projet limitée dans le temps et l’espace. Cette logique laissant également peu d’espacepour une coopération institutionnelle des interventions avec les institutions étatiques affaiblies par lescrises successives de différentes natures. Ce contexte de fragilisation des appuis ne s’articule pas avecle focus global de la QE. En effet celle-ci, au regard de la démarche stratégique de cette évaluation, sesitue au-delà de la logique des interventions individuelles. La lecture des constats sous cette QE doit sefaire à la lumière de cette fragilisation des appuis sans pour autant perdre de vue les conséquences dece manque de cohérence en termes d’efficacité de l’appui de l’UE. Finalement, il est important designaler que la programmation du 11 ième FED met fortement l’accent sur le développement d’unedémarche cohérente et stratégique en articulation avec l’action d’autres PTF.La QE examine tout d’abord les effets de l’appui de l’UE sur la création d’un environnement favorablepour les filières agricoles principales du pays. La question porte ensuite sur deux des trois dimensionsde la sécurité alimentaire (la disponibilité et l’accès à des aliments de base), la troisième composante(l’utilisation effective de la nourriture qui dépend entre autres des pratiques ou habitudes nutritionnelles,l’état de santé des consommateurs reliée à l’accès à des services sanitaires, de santé et d’énergie)n’étant pas incluse de façon significative dans l’appui de l’UE.Les problématiques de résilience et plus généralement de durabilité des effets sont pleinementcouvertes de façon transversale. Notons aussi que l’analyse sous cette question porte une attention àla problématique de LARD et les principes internationaux pour l’engagement dans les Etats fragiles(DAC, 2007).QE7 – Appréciation globaleL’appui de l’UE dans le secteur de la sécurité alimentaire et l’agriculture a pris plusieurs formes qui ontété pertinentes au regard de la lutte contre la malnutrition et de l’ambition de renforcer la résilience dela population face à la récurrence des chocs naturels et économiques.Tout d’abord, l’appui de l’UE a contribué au renforcement des filières agro-alimentaires et, au moinsindirectement, à la résilience des producteurs. Le constat majeur dans ce domaine est que, malgré ledéveloppement fort des filières appuyées, les résultats atteints jusque maintenant sont peuconvaincants. Les projets ont certes contribué à l’augmentation du savoir-faire technique (pratiquesculturales et post-culturales), à l’extension des zones de production et à la structuration desproducteurs, mais ces appuis, à eux seuls, n’ont pas été déterminants pour renforcer le processusd’autonomisation des producteurs. En effet, les projets ont plutôt pu profiter d’autres facteursfavorables au développement de la filière (marché international porteur, exportateurs dynamiques,marché local en forte croissance) sans en être vraiment une force motrice. Ils ne parviennent pas nonplus à convaincre les cultivateurs de la valeur ajoutée de la commercialisation collective qui, au moinsthéoriquement, offre la perspective d’une plus grande acquisition de la plus-value par les producteurs.Ainsi, la contribution des projets à l’augmentation des revenus et des productions comme aurenforcement de la résilience semble plutôt limitée.Des efforts importants ont été entrepris par l’appui de l’UE pour assurer une meilleure disponibilité desaliments de base sur les marchés locaux. Tout d’abord, l’appui de l’UE dans ce domaine, malgré lemanque d’un fil conducteur, s’est basé sur des expériences antérieures (avec la CNSA en particulier)et a contribué directement à mettre à disponibilité des acteurs en temps opportun des informationscruciales pour la mise en œuvre de réponses rapides en période de crise et pour l’élaboration destratégies et politiques plus efficaces sur la base de statistiques structurelles, fiables, pertinentes etactuelles. L’élément clé dans ce domaine se situe au niveau de la qualité et la disponibilité en tempsopportun de l’information, diffusée par la CNSA, sur la sécurité alimentaire et du degré d’utilisation decette information comme de véritables outils d’aide à la décision par les acteurs-clé dans le domaineafin de fixer leurs priorités et mieux anticiper les crises. En outre, un nombre important d’interventionsont produit un effet positif sur la disponibilité alimentaire et sur la production familiale et locale desaliments de base, au moins au niveau des zones d’intervention. Ces interventions ont été notammentdes actions d’appui direct à la production et les activités post-production (comme l’amélioration et laréhabilitation des ouvrages d’irrigation, la fourniture d’intrants et d’outils de qualité, l’amélioration despratiques culturales, des vaccinations, la lutte épidémiologique, la mise sur place d’unités detransformation, …) ainsi que des actions d’appui indirect (aménagement et/ou protection de bassinsversants et valorisation de bassins de rétention). Dans quelques cas, assez rares cependant, lesinterventions ont également aidé à combler le déficit alimentaire dans d’autres zones comme lacapitale. Malgré ces progrès, l’état de pauvreté et de vulnérabilité des principaux bénéficiaires desprojets et les contraintes structurelles existantes limitent tout de même les effets des projets les plusaboutis. Ce constat s’explique également par le volume d’appui relativement limité au regard desbesoins existants et par le manque d’ancrage de cet appui dans les institutions du pays.Aucune donnée n’a été trouvée en ce qui concerne l’effet direct des projets et programmes analyséssur l’accès des populations rurales aux aliments de base. On peut supposer que les effets positifs auEvaluation de la coopération de l’UE avec la République d’Haïti 2008-2012Rapport final - Volume I - Août 2014 (Particip GmbH)
41QE7 – Appréciation globaleniveau de la production familiale produisent également un effet similaire au niveau des populationsproductrices (production accrue et plus diversifiée). D’autre part, les données produites par la CNSAet l’IHSI font état de fluctuations très importantes des prix des aliments de base pendant les dixdernières années et au cours d’une même année. La tendance à la hausse des prix à laconsommation s’est maintenue pendant les dix dernières années notamment sur les produitsagricoles. Fixé à une valeur de cent (100) points en août 2004, l’indice des prix des produits agricoles(IPPA) a augmenté en 2011 et 2012 à une valeur de plus de 200 points. En saison sèche (novembreà mars/avril) et lors de passage de cyclones pendant l’été, l’offre nationale baisse souvent à un niveauqui fait croître les prix. Ces constats suggèrent que l’action des PTF (y compris l’UE et sespartenaires) ne parvient pas encore à éviter que des chocs se produisent ou à ce que des initiativesde mitigation efficaces soient entreprises au cas où. Ceci a pour conséquence que, notamment dansles périodes de crise, une partie importante de la population reste dépendante de l’aide extérieure.En résumé, on peut avancer que l’appui de l’UE a consisté en des actions importantes afin derenforcer le dynamisme économique dans le secteur ainsi que d’améliorer la sécurité alimentaire.Cependant, ces actions sont restées trop dispersées, isolées (sans ancrage institutionnel) et troplimitées dans le temps et l’espace pour pouvoir couvrir de façon cohérente les différentes dimensionsde la sécurité alimentaire et assurer une contribution efficace et durable à la sécurité alimentaire dupays. En effet, les problèmes dans le domaine de la sécurité alimentaire en Haïti sont devenustellement considérables, structurels et de natures diverses, qu’ils requièrent une démarche intégrée etstratégique visant des solutions pérennes ancrées dans les institutions du pays, et mobilisant desressources importantes sur le long terme via une démarche coordonnée des efforts avec ceuxd’autres PTF.4.7.1 CJ71 L’appui de l’UE a contribué à un renforcement des filières agro-alimentaires tout enprenant en compte la gestion durable des ressourcesL’appui de l’UE a, à juste titre, identifié la structuration des filières agro-alimentaires comme unecondition nécessaire de la pérennisation des filières. L’expérience des deux projets de la filière mangueanalysés indique cependant qu’il existe des défis importants au niveau de (1) la coordination entre lesintervenants ; (2) l’orientation commerciale des ANE d’appui y compris la connexion indispensable avecle groupe des exportateurs professionnels (manque d’une réelle approche et d’un renforcement‘business’) ; et (3) la durabilité des acquis au niveau des efforts de structuration en termesd’associations de filière fortes et viables bien ancrées dans le système économique local et régional(difficile à atteindre en raison, entre autres, d’une durée relativement courte des appuis). (I-711)Les projets ont entrepris des efforts classiques et primordiaux au niveau de l’amélioration (en qualité etquantité) de la production, mais ont aussi attaché une importance à des activités souvent cruciales pourcréer une valeur ajoutée, comme la manutention post récolte, le traitement et la commercialisation.L’adoption d’une telle démarche s’est avérée être un défi, même s’il est justifié au regard des exigencesdu marché, notamment le marché d’exportation qui est le plus exigeant mais également le plusrémunérateur et le plus stable. Les effets de ce large éventail d’actions ont été mitigés. D’un côté, lesproducteurs et groupements ont fait des progrès au niveau des activités liés à la production, la récolteet l’après-récolte. Ainsi, les taux de rejet ont diminué. De l’autre côté, ce progrès n’a pas toujours étésuffisant pour assurer un accès stable au marché de l’exportation, ce qui s’illustre par une stagnationdans la commercialisation (au moins par le biais des groupements encadrés par les projets) et par lefait que certains exportateurs préfèrent créer leur propre réseau de producteurs s’engageant àappliquer les cahiers de charge issus des certifications internationales, sans intermédiation destructures d’appui. En outre, ils existent des tensions entre intérêts collectifs et privés (p. ex. nonremboursement des avances par les membres malgré le fait que ceux-ci enregistrent souvent desbilans positifs), menaçant la pérennité des groupements / associations de producteurs. Ces constatsnégatifs doivent cependant être mis en perspective dans la mesure où un nombre croissant deproducteurs profitent, aussi grâce au développement du marché local (consommation ettransformation), du développement de la filière et s’engagent à étendre leurs vergers. Au regard dupotentiel du marché, ce développement pourra faire de la filière la plus grande source de revenus de lazone du centre d’ici quelques années. (I-712)Les projets analysés ne s’investissent pas vraiment dans l’amélioration des connaissances et pratiquesdes producteurs au niveau de la gestion des ressources naturelles. Cela dit, l’approche suivie (minivergers,systèmes agro-forestiers, greffage de variétés moins rentables) est de nature à sécuriser untaux de couverture boisé plus élevé. Finalement, dans les filières appuyées (mangue et avocat dansune moindre mesure), il n’existe des défis majeurs en ce qui concerne la gestion des ressourcesnaturelles. (I-713)Evaluation de la coopération de l’UE avec la République d’Haïti 2008-2012Rapport final - Volume I - Août 2014 (Particip GmbH)