Rapport final : « Pour un renouveau urbain : gestion <strong>de</strong>s héritages et inégalités ».particularités, écrit : « Ces licenciements pouvaient ne pas poser <strong>de</strong>s problèmes sociaux tropgraves en Seine-Saint-Denis, dès lors que l’expansion économique maintenait un rythme <strong>de</strong>croissance élevé : ils <strong>de</strong>viennent plus difficilement supportables en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crise […] etd’autant plus qu’ils concernent une main d’œuvre qui, par une initiation industrielle ancienne,est généralement <strong>de</strong> haut niveau qualitatif, ce qui implique un reclassement plus délicat <strong>de</strong>travailleurs souvent aussi attachés à leur métier qu’à leur région. » 36Même le préfet, le représentant <strong>de</strong> l’Etat dans le département, appelle à « freinerraisonnablement » le mouvement <strong>de</strong> décentralisation industrielle, car « cette tendance nesaurait se prolonger sans produire <strong>de</strong>s conséquences graves et rendre quasiment insolublesnombre <strong>de</strong> problèmes auxquels se heurtent déjà mes services, qu’il s’agisse <strong>de</strong> la formationprofessionnelle, <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> transport dues aux migrations alternantes, ou plussimplement <strong>de</strong>s détresses humaines qu’entraîne une brutale reconversion <strong>de</strong>s activités. Ausurplus, et plus gravement encore, l’hémorragie <strong>de</strong> personnel qualifié, la disparition <strong>de</strong>structures industrielles en gran<strong>de</strong> partie très valables, représentent à mes yeux une perte <strong>de</strong>substance, dont le coût économique et social, ne me paraît pas avoir été jusqu’ici nettementperçu. » 37Malgré les occupations d’usines, les grèves <strong>de</strong> longue durée 38 et la mobilisation, dansplusieurs communes, <strong>de</strong> la population et <strong>de</strong>s élus 39 aux côtés <strong>de</strong>s grévistes (voir illustrationpage suivante), la déconcentration <strong>de</strong>venue désindustrialisation ne faiblit pas. Les sitesferment les uns après les autres. Saint-Denis, suite aux fermetures <strong>de</strong>s usines <strong>de</strong> la Plaine et audéménagement <strong>de</strong>s chômeurs partis chercher du travail ailleurs, perd 10.000 habitants 40 . En1985, les licenciements concernent encore 13.000 personnes en Seine-Saint-Denis. Cetteavalanche <strong>de</strong> fermeture conduit à une « relative résignation <strong>de</strong>s salariés face à la criseéconomique », notent les Renseignements généraux 41 .36 Rapport du préfet <strong>de</strong> décembre 1976, 1801W493, AD93. Le préfet souhaiterait disposer <strong>de</strong> compétences pourgérer la déconcentration ce que refuse le ministre affirmant que la décentralisation est un processus à gérer auniveau régional et non au niveau départemental.37 Lettre du préfet au ministre chargé du Plan, <strong>de</strong> l’Equipement et <strong>de</strong> l’Aménagement du Terriroire, 8 novembre1971. 1801W483, AD93.38 L’occupation <strong>de</strong> l’imprimerie Chaix à Saint-Ouen dure près <strong>de</strong> 3 ans.39 Saint-Ouen, Saint-Denis , Montreuil, Pantin ou Aubervilliers ont soutenu les occupations d’usines visant àempêcher les transferts ou fermetures, procédé à la réhabilitation active <strong>de</strong>s friches industrielles pour y maintenirune activité <strong>de</strong> production. Au contraire, Levallois, à partir <strong>de</strong> 1983, choisit <strong>de</strong> changer <strong>de</strong> modèle <strong>de</strong>développement et favorise le départ <strong>de</strong>s industries pour construire bureaux et habitats <strong>de</strong> standing. Fourny, M-C.,Un espace en mutation: désindustrialisation et transformations urbaines à Clichy, Levallois et Saint-Ouen,1985, 128p.40 75% <strong>de</strong>s emplois en Seine-Saint-Denis en 1973 étaient tenus par <strong>de</strong>s actifs rési<strong>de</strong>nts, ce qui est un taux trèsélevé pour la région parisienne. Rapport du préfet au CG93, n°73-161, AD93, 1801W503.41 Rapport <strong>de</strong> 1985. AD93, 1801W517.32
Rapport final : « Pour un renouveau urbain : gestion <strong>de</strong>s héritages et inégalités ».Après le plein emploi, c’est l’entrée dans le chômage. Le département se singularise <strong>de</strong>puisvingt ans par un taux record <strong>de</strong> chômage, surtout chez les moins <strong>de</strong> 25 ans. Dans les quartiersles plus défavorisés, le chômage <strong>de</strong>s jeunes peut atteindre 40% et, en outre, la zone d’étu<strong>de</strong>manque <strong>de</strong> jeunes actifs, nombreux à partir une fois installés en couple.Comme l’indiquait le préfet <strong>de</strong> Seine-Saint-Denis trente ans plus tôt, le phénomène seconjugue à <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> formation, malgré une offre universitaire variée et bien présentesur le territoire. La Seine-Saint-Denis est le plus jeune <strong>de</strong>s départements <strong>de</strong> la prochecouronne francilienne. Dans quatorze <strong>de</strong>s vingt villes <strong>de</strong> la zone d’étu<strong>de</strong>, près <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>sjeunes <strong>de</strong> dix-neuf à vingt-quatre ans ne sont pas scolarisés.La zone d’étu<strong>de</strong> dispose d’unfaible pourcentage <strong>de</strong> diplômés : douze <strong>de</strong>s vingt villes <strong>de</strong> la zone d’étu<strong>de</strong> ont un quart à untiers <strong>de</strong> non-diplômés 42 – Aubervilliers, La Courneuve et Stains ont les plus mauvais résultats–, contre seulement quatre <strong>de</strong>s villes du reste du département – Clichy-sous-BoisMontfermeil, Sevran et Le Blanc-Mesnil.La part importante <strong>de</strong>s moins <strong>de</strong> 20 ans, surtout dans l’ouest du département, est ici signe <strong>de</strong>précarité car synonyme pour les familles d’un trop grand nombre d’enfants à charge et <strong>de</strong> suroccupation<strong>de</strong>s logements et pour les collectivités territoriales <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> structuresscolaires et <strong>de</strong> crèches…42 En 1969, le département compte 9 lycées pour 1,3 million d’habitants, quand Paris possè<strong>de</strong> 64 lycées pour 2,3millions d’habitants. Le nombre <strong>de</strong> places <strong>de</strong> lycées pour 10.000 habitants place alors la Seine-Saint-Denis au<strong>de</strong>rnier rang <strong>de</strong>s départements d’Ile-<strong>de</strong>-France. 23W5, AD93.33