Rapport final : « Pour un renouveau urbain : gestion <strong>de</strong>s héritages et inégalités ».population, <strong>de</strong>s constructions éloignées <strong>de</strong>s équipements publics, culturels et commerciaux<strong>de</strong>s centres-villes (édifiées non pas suivant un plan d’aménagement voulu, mais là où lesterrains étaient libres), faiblement <strong>de</strong>sservies et qui vieilliront mal. Le contexte économiquejouera aussi beaucoup. Avec la montée du chômage, les cités et tours <strong>de</strong> Bobigny, naguèrehabitées par <strong>de</strong>s jeunes travailleurs, sont le lieu <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce désormais d’un très importantpourcentage <strong>de</strong> personnes sans travail, désoeuvrées, qui doivent passer leurs journées dans unenvironnement qu’elles exècrent. Les déprédations conjuguées au vieillissement parfoisprécoce <strong>de</strong> ces installations et au manque d’entretien ont fortement dégradé ces habitats.Pourtant, lors <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> rénovation, la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s habitants ne souhaitent pasla démolition <strong>de</strong> leur cité mais et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à être relogée sur place. C’est ce qui s’est produitdans le très récent cas <strong>de</strong>s Courtillières, à Pantin.3- LA LUTTE CONTRE L’HABITAT INSALUBRE, LES TAUDIS ET LES BIDONVILLES (DEBUTDES ANNEES SOIXANTE-DIX)Les bidonvilles existaient au cœur <strong>de</strong>s villes, et pas seulement en périphérie. Lesphotographies ci-<strong>de</strong>ssous, prises au milieu <strong>de</strong>s années cinquante, témoignent bien <strong>de</strong> lasituation du logement au début <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> moitié du XX e siècle.En 1969, le département compte 41 bidonvilles, où vivent près <strong>de</strong> 7.000 personnes 97 . Cesbidonvilles ne sont pas <strong>de</strong>s cités d’urgence et sont très mal équipés : pas d’électricité, un seulpoint d’eau pour <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> foyers, pas d’écoulement d’eau usée, pas <strong>de</strong> WC nid’appareil sanitaire, <strong>de</strong>s baraques faites <strong>de</strong> planches et <strong>de</strong> tôles découpées dans <strong>de</strong>s bidons ou<strong>de</strong> carreaux <strong>de</strong> plâtre ou <strong>de</strong> parpaings.1955, cité Gaillard à Saint-Ouen (AMStO) 1955, Cité <strong>de</strong> la Jatte à Saint-Ouen (AMStO)97 PV CG93, rapport sur le logement social, année 1969.54
Rapport final : « Pour un renouveau urbain : gestion <strong>de</strong>s héritages et inégalités ».Les risques environnementaux sont nombreux : les o<strong>de</strong>urs, la poussière, le froid l’hiver et lacanicule l’été dans les baraques en tôle, la maladie et les contaminations liées à une eausouillée, l’incendie, la noya<strong>de</strong> (certains bidonvilles d’Aubervilliers sont installés près ducanal). Chaque année, <strong>de</strong>s adultes et <strong>de</strong>s enfants meurent dans ces bidonvilles.La cité Gaillard à Saint-Ouen (voir photo page précé<strong>de</strong>nte) existe encore en 1972, date àlaquelle elle est décrite par l’inspecteur <strong>de</strong> salubrité local : au total 40 personnes vivent dans<strong>de</strong>s baraquements en bois sur un sol en terre battue, avec un cabinet d’aisance délabré pourtout le mon<strong>de</strong> un caniveau à ciel ouvert qui reçoit les eaux usées <strong>de</strong> tous les ‘pavillons’ <strong>de</strong> lacité et un cabinet d’aisance délabré pour tout le mon<strong>de</strong> 98 .Les immeubles précaires mais construits en dur ne valent pas mieux : fissures <strong>de</strong>s plafonds et<strong>de</strong>s cloisons, crevasses dans les murs porteurs, affaissement <strong>de</strong>s planchers pourris,dégradation <strong>de</strong> la toiture, fuites qui minent la construction, souches <strong>de</strong>s cheminéescrevassées… 99 Les travaux <strong>de</strong> réparation seraient le plus souvent d’un coût si élevé que lesexperts prescrivent la démolition.Une campagne nationale est menée contre l’habitat insalubre, les taudis et les bidonvilles àpartir <strong>de</strong> 1969. Les rapports du GIP (groupement interministériel permanent pour la résorption<strong>de</strong> l’habitat insalubre) et ses publications régulières dressent l’inventaire <strong>de</strong>s bidonvilles et <strong>de</strong>slogements précaires. En 1969, la Seine-Saint-Denis est le département le plus« bidonvillisé » 100 <strong>de</strong> l’agglomération parisienne, loin <strong>de</strong>vant les Yvelines en 2e position.Aubervilliers, Bagnolet, Gagny, La Courneuve, Montfermeil,Noisy-le-Grand et Saint-Denissont les principaux sites d’accueil.Après les 12 opérations <strong>de</strong> résorption réalisées en 1970, la Seine-Saint-Denis reste ledépartement où les bidonvilles sont les plus nombreux et les plus importants : 2450 personnesvivent dans <strong>de</strong>s bidonvilles et micro-bidonvilles à Saint-Denis 101 , 430 à Aubervilliers, 390 àBagnolet, 580 à Montfermeil, 323 à Noisy-le-Grand. De nouveaux bidonvilles sont apparus àLivry-Gargan, Neuilly-Plaisance et Noisy-le-Sec. En 1973, la Seine-Saint-Denis ne compteplus officiellement qu’un seul bidonville et 27 micro-bidonvilles 102 . Tous les rési<strong>de</strong>nts n’ontpas été relogés dans <strong>de</strong>s logements, loin s’en faut, mais beaucoup dans <strong>de</strong>s cités <strong>de</strong> transit98 La cité Gaillard était située 14 rue Touzet et 151 boulevard Victor-Hugo. 1801W430, AD93.99 AD93, dossiers <strong>de</strong>s immeubles en péril, notamment Bagnolet.100 Rapport <strong>de</strong>s services préfectoraux sur la résorption <strong>de</strong>s bidonvilles et taudis en Seine-Saint-Denis, 1971.1801W437, AD93.101 Le record <strong>de</strong> Saint-Denis est dû à la présence sur son territoire du bidonville <strong>de</strong>s Francs-Moisins (jusqu’à5.000 personnes), véritable plaque tournante <strong>de</strong> l’immigration portugaise en France. Ce bidonville est finalementliquidé fin 1973 et les <strong>de</strong>rnières familles relogées dans la cité <strong>de</strong> la Pampa à Saint-Denis. Bulletins du GIP, année1972.102 Bulletin GIP, n°7, janvier 1973, p 23.55