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Projections - Passeurs d'images

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LES ACTEURS__EXPÉRIENCEetc.), pris en charge par une association. Il y avait cette idée -nouvelle, à l’époque - de rendre “employable” le public auquelnous nous adressions. Je voulais que l’on travaille sur la questiondu rapport à l’autre plutôt que sur les CV. Quand un participanttéléphone à quelqu’un pour demander une autorisationde tournage, c’est déjà une démarche proche d’unerecherche d’emploi. Je n’ai rien élaboré au cours de l’atelierqui puisse être directement rattaché aux formes pédagogiquesmises en place par les structures de l’emploi.Est-ce par refus de prendre en charge des choses quiincomberaient à l’État et non pas à l’artiste ?Ce qui m’intéressait dans cette expérience, c’était de construireun cinéma citoyen et un espace d’art citoyen. Je suis arrivé avecma curiosité, mon exigence, ma demande d’artiste. Je crois queles gens ont senti que je ne venais pas là pour les “mettre àl’emploi”. Ces gens n’en peuvent plus de tourner en rond dansdes bassins d’emploi où ils ne trouvent rien. À un momentdonné, il faut d’autres espaces. L’art peut créer des espaces detravail hors du cadre de l’employabilité. Des sas avant unereprise de contact avec le monde de la rentabilité. Des espacesartistiques servent grandement à l’être humain.Voyez-vous, dès l’origine, une correspondance entre votrerecherche d’artiste et le principe de travailler en résidence ?Cela correspond à la conception que j’ai d’un cinéma de laproximité. Je fais des films très proches des gens. Je m’installedans un lieu et je filme des microcosmes, des gens, personnagesqui vivent des situations avec plus ou moins de bonheuret qui me touchent. En m’installant un certain temps surplace, c’était partager physiquement ce que l’on vit dans lesquartiers de relégation.Qu’est-ce que cette expérience a apporté aux participants ?Je crois qu’ils ont soufflé. Le soir de la première projection, unejeune femme m’a dit : “Stéphane, je crois que je ne vais pas t’assassiner”.C’était un bel hommage, tout en retenue. Cela signifiaitqu’ils ne se sentaient pas trahis.Deux participants sont devenus professionnels en l’audiovisueldans le secteur socio-éducatif, alors que ce n’était pas lavocation affichée du stage - surtout pas ! D’autres se sontremis à travailler assez vite après alors qu’ils ne l’avaient plusfait depuis 5 ans. Ils ont dû, j’imagine, retrouver en eux quelquechose qui leur a redonné l’envie de faire quelque chose,d’être dans la vie autrement.Le résultat a-t-il été accueilli favorablement par les institutions,par les commanditaires ?J’ai toujours été soutenu par la Directrice des affaires culturelles,mais la municipalité, au début, n’a pas compris l’enjeu dufilm. C’était assez drôle. “Où sont les facteurs d’instruments ?Et la vallée de la Seine ?”. Puis ils ont lu des articles positifs - lesCahiers du cinéma, Libération, Le Monde… - et ils ont dit :“Waow !”. Nous avons fait des projections à Mantes-la-Jolie, c’esttout. J’ai proposé le film à la Cinquième chaîne, qui s’autoproclamaità l’époque citoyenne et éducative, mais elle ne l’a paspris. La télévision ne souffre pas l’absence d’intermédiaire, ilfaut toujours un journaliste qui “objective” les choses. Or, dansce film-ci, des gens montraient leur propre réalité, sans tiers.Récemment, un comédien célèbre expliquait à la télévision queles “saltimbanques” n’ont pas à faire de politique. Les médiasvéhiculent souvent une image dépolitisée de l’artiste.À l’époque de Guernica, Picasso déclarait : “L’art est politique”.Les Rolling Stones ont fait une chanson critique contrel’Amérique (NB. Sweet Neo Con). Keith Richards, un peu bêtement,a dit qu’il valait mieux ne pas trop parler de ce genre dechoses. Ce faisant, il exprimait une conception de l’artiste queje peux aussi entendre : celle de la poésie à tout prix. Certainsartistes trouvent leur inspiration dans le rêve, le fantasme. Ilest tout aussi important, voire plus aujourd’hui, d’être endehors du calendrier et des thèmes que nous imposent lespolitiques, de ne pas y répondre. En même temps, je vois laposition d’un Djamel qui se fait photographier avec un drapeaufrançais en couverture du Nouvel Observateur, d’un JoeyStarr qui invite à aller voter… Ils ne disent pas pour qui voter,mais il est clair qu’ils sont engagés dans la vie politique.Quand il y a urgence à être présent dans la ville, les artistesdoivent dire qu’ils sont engagés. Ils sont aussi citoyens.Pourriez-vous relater votre expérience au sein duCollectif 12 (1) ?Je connaissais Catherine Boskowitz, metteur en scène, quiavait envie de réunir un collectif pour faire travailler ensembledes artistes de différentes disciplines - la musique, la danse, lavidéo… Je sortais de l’expérience de Mantes-la-Jolie, j’étais attachéà l’idée de ces mariages et j’avais envie de travailler sur lespectacle vivant. L’adjoint à la culture de la ville lui a proposéde prendre en charge une friche industrielle rachetée par lamairie. Nous nous y sommes installés. Cela correspondait àmon envie de ne pas rester juste six mois à Mantes puis d’enpartir. L’objectif était de faire vivre un lieu artistique commeles autres avec cette spécificité consistant à travailler “avec,pour et sur” les gens qui nous entouraient. Douze artistes sesont réunis pour créer le collectif. J’y suis resté un peu plusd’un an, mais la spécificité des lieux culturels est telle qu’il est,d’une part, difficile de travailler sur les domaines de l’image,et, d’autre part, sur la relation entre spectacle vivant et audiovisuel.Ce ne sont pas les mêmes temps, les mêmes canaux,les mêmes coûts. Je suis passé à d’autres choses, tout en yrevenant régulièrement. J’y ai notamment monté un “chantier-École”avec des jeunes gens. Avec eux et l’équipe transdiciplinairedu collectif 12, nous avons créé Une famille, un spectacletotal, mêlant théâtre, multimédia, et documentaire à partirdes histoires vécues par les participants.En 2005, vous avez réalisé un autre film à Mantes-la-Jolie.L’aubaine est un documentaire sur la destruction des tours deMantes-la-Jolie. Celles-ci sont remplacées par des pavillonsachetés par les anciens habitants des tours. Durant une année,j’ai accompagné ces personnes quand elles visitaient les terrains,chez le notaire etc. Pour eux, c’est un moment particulierqui scelle le fait de s’installer à Mantes, et, pour la plupartd’entre eux, le deuil du mythe si longtemps entretenu duretour au pays.1- www.collectif12.orgPROPOS RECUEILLIS PAR DAVID MATARASSOactions cinéma / audiovisuel projections / 101

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