HISTOIRE__L’ÉVÉNEMENT : “UN ÉTÉ AU CINÉ” 2002Les multiplications d’“un été au ciné”La douzième édition d’“un été au ciné” va se dérouler en 2002 dans l’hexagone et les Dom-Tom. Contre toute attenteet dans une certaine indifférence, la manifestation a fait son nid. Maintes fois copiée ou dénigrée, elle continue deconstruire et de se développer. Regards et réflexions.article paru dans Cinéville n°11_juillet 2002Ne pas imposer un projet, ni une méthode,mais proposer une idée forte ; laisser les genslibres de l’accepter ou de la refuser, de la traiterselon leurs désirs, leurs priorités et leursmoyens. Ainsi pourrait être définie la lignede conduite d’ “un été au ciné”. Cette “idéeforte” tient en deux points : la qualité et lepartage.- Qualité des films présentés, souvent méconnuspar un public ayant des difficultés d’accèsau cinéma ; qualité technique des projections,qui permettent de découvrir les œuvresdans des conditions optimales ; professionnalismedes intervenants pour les séancesspéciales et au sein des ateliers de pratique etd’initiation.- Partage des responsabilités, de l’organisationou des dépenses. Chaque évènementdoit être le fruit d’un véritable partenariat,excluant tout parachutage, pour mieux impliquerles jeunes comme les relais dans leschoix et la réalisation des actions.Dès que ces propositions furent lancées en1991, elles ont été saisies au vol par lesacteurs de terrain. Au fil des années, lademande n’a cessé de progresser, au point dedevenir délicate à gérer car le budget provenantde l’État, lui, a peu augmenté (contrairementaux collectivités locales). Malgré tout, lerésultat est là : la manifestation s’est pérenniséegrâce au travail conjoint des coordinationslocales, régionales et nationale ; elle a“Ne pas imposer un projet, ni une méthode,mais proposer une idée forte ; laisser lesgens libres de l’accepter ou de la refuser,de la traiter selon leurs désirs, leurspriorités et leurs moyens.”généré un réseau de structures solides dontcertaines sont aujourd’hui reconnuescomme Pôles Régionaux d’Éducation àl’Image.Au départ, il était difficile de trouver des professionnelsprêts à s’investir dans cettedémarche culturelle et sociale : animateurspour les ateliers ou organisateurs de cinémaen plein air. Aujourd’hui, près de trente cinqopérateurs de plein air participent à l’actionen respectant les règles définies par la CST.De nombreuses associations d’éducationpopulaire, des maisons de quartiers, des“un été au ciné” a su accompagner et parfois,impulser - à son niveau, s’entend - la pousséedes régions dans le paysage cinématographiquenational.”associations, des collectivités ou des exploitantsse sont regroupés dans le réseau autourdes idées que nous défendons pour l’actionculturelle cinématographique.Initialement tourné vers les jeunes, le réseau“un été au ciné/cinéville” a élargi son champd’action et trouvé des extensions dans lemilieu pénitentiaire, avec la ProtectionJudiciaire de la Jeunesse, les associations ethniques,en milieu rural, dans les hôpitaux…Sans oublier la multitude de partenairesrégionaux, acteurs sociaux et politiques biensûr, mais aussi professionnels : bureaux d’accueilde tournage, festivals, lieux “intermédiaires”,ainsi qu’un nombre croissant decinéastes, vidéastes et créateurs installés enrégion, mus par un désir de contacts avec lapopulation et porteurs de propositions artistiquesfortes.“un été au ciné” a su accompagner et parfois,impulser - à son niveau, s’entend - la pousséedes régions dans le paysage cinématographiquenational. Aprèstout, la manifestationn’est-elle pas l’exempled’une “décentralisationqui marche” ? De trèsnombreuses actions culturellescinématographiquesse sont mises enplace en parallèle de lamanifestation (avec le label ou non). Il est debon ton aujourd’hui de revendiquer pour sasalle, son lieu ou son service culturel uneaction en direction des publics défavorisés. Etc’est tant mieux, même si un peu d’humilitéet de reconnaissance des acquis serait parfoisde mise.Pour autant, cette évolution positive n’a pasrésolu toutes les questions inhérentes auxquatre volets d’ “un été au ciné”.Comment attirer le jeune public vers desœuvres méconnues, surtout lorsqu’elleséchappent - en apparence - à leurs préoccupations? La question sepose aussi bien auniveau des séancesspéciales (doiventellesse cantonner àune “programmationghetto” ?) qu’à celui dela tarification.Faut-il encadrer l’usage des tarifications et leréserver à l’Art & Essai ? Au risque d’aller àl’encontre des désirs de cinéma, des enviesde liberté ? Les contremarques sont-elles faitespour les jeunes, ou, pour les films et lessalles ?Au sein d’un atelier, l’intervenant doit-il dirigerou montrer, accompagner ou veiller à laqualité du résultat ? Questions qui ont pourcorollaires celles du statut du film fini : “produit”ou trace d’un apprentissage ? et de sonmode de diffusion : est-il nécessaire et souhaitablede le restreindre ou de l’élargir ?Dans ce dernier cas, faut-il accompagner lesfilms, expliquer chaque démarche ? Et avecquels critères faut-il regarder ces films ?Comment convaincre les municipalitésqu’un atelier, plus coûteux et “moins spectaculaire”qu’une séance en plein air, se révèle,à longs termes, plus fructueux ?Au fur et à mesure que s’accroissent le nombreet la diversité des initiatives, les interrogationsse multiplient. “un été au ciné” est unchantier de réflexion et le fait qu’il s’inscrivedésormais au sein du dispositif annuel “cinéville”lui a sans doute apporté une cohérencesupplémentaire : c’est un chantier plus vasteet qui ne s’arrête jamais. Tous ceux qui ontcru qu’il ne s’agissait que d’un dispositif étatiquefigé se sont trompés. Tout comme ceuxqui voient en “un été au ciné” un concurrentà leurs propres actions. “un été au ciné” aconstruit un maillage dynamique quiregroupe des énergies et les développe.Même les failles du système sont porteusesd’ouverture ! C’est ce qui fait la force de ceréseau pour ceux qui en acceptent les règles,les défauts et les qualités.FRANÇOIS CAMPANA16 / projections actions cinéma / audiovisuel
HISTOIRE__ENQUÊTEtournée des quartiers à Strasbourg ©arachnimaVOLET EMBLÉMATIQUE D’“UN ÉTÉAU CINÉ”, LE CINÉMA EN PLEIN AIRASSOCIE SPECTACLE, DIMENSIONFESTIVE ET VIE DE QUARTIER. GRÂCEÀ LUI, FAMILLES, ENFANTS ETADOLESCENTS PEUVENT VOIR UNFILM GRATUITEMENT DANS DESCONDITIONS OPTIMALES, LA MAGIEDE L’ÉTÉ EN PRIME.Plein air de fêteAutant que le choix du film, c’est la collaboration entre structures et exploitants de salles qui sert de socle à la tenued’une séance en plein air.article paru dans <strong>Projections</strong> n°6/7_spécial cinéville_juillet 2003Abobikrine Diop en est convaincu : “Laséance en plein air renforce les lienssociaux”. “Les gens sont détendus, ils rient,on voit les familles se rassembler autourd’une même activité” poursuit le Directeurdu Centre Social Jaques Brel de Port-de-Bouc.“Et lorsque c’est fini, on sert un thé à la menthe”.“Ce que nous recherchons à travers les séancesen plein air” observe de son côté EricLouvrier, coordinateur du Centre social de laMPT des Longs Traits, à Pontarlier, “c’est ledéveloppement d’une animation de proximité,à caractère convivial et de découverte”.Pour lui, une bonne séance en plein air seremarque à certains signes : “Le fait que lesgens vous donnent un coup de main pourranger les bancs, démonter l’écran et le matériel,constitue une démarche volontaire deremerciement. Cela prouve que les spectateursont passé une bonne soirée. Il arriveaussi qu’on ait des petites discussions mais jene vous cacherai pas que dans notre régionde montagne, il fait frais et en général, lesgens plient bagages assez vite”.Convivialité et partage semblent être les maîtresmots d’une séance de cinéma en pleinair. Mais comment parvenir à les instaurer ?Comment, à partir d’un spectacle cinématographique,créer une fête de quartier ?“Il faut que tous les gens du lieu associés à cetteprojection s’impliquent dans sa préparation :associations de quartier, associations municipales,habitants” souligne Jérémie Poulangesde l’association Eidos (Montauban). “Parexpérience, nous savons que lorsque nousdébarquons dans un quartier en organisantune projection sans avoir impliqué les gens,cela ne fonctionne pas”. “Souvent”, ajoute-til,“on peut associer à la projection d’autresinitiatives : un concert, un repas de quartier...Mais là aussi, il faut faire attention : s’il y atrop de choses, cela nuit à la projection. Ellepasse inaperçue car les gens ne sont plus disponiblespour le film”.Abobikrine Diop, lui, a décidé d’allerjusqu’au bout de la logique festive : cetteannée, il inscrit la séance en plein air dans lecadre d’un festival de trois jours, “LesParolades”, mis en place par son centresocial. Au programme : de la musique maghrébine,un groupe gitan, des pièces de théâtrede compagnies amateurs, une lecture detexte... “L’idée est d’établir un lien entre différentesactivités culturelles -les livres, le spectaclevivant - et de finir par le cinéma”.Même ville, autre approche : YannickCombaluzier profite de la séance pour donnerun petit coup de projecteur sur les travauxaudiovisuels réalisés au CLSHTichadou qu’elle dirige.“Nous menons tout au long de l’année desactions en direction des jeunes et desenfants” explique-t-elle, “ notamment des ateliersvidéo. Le jour de la séance en plein air,on invite les gens à partir de 19h pour unpetit apéritif durant lequel on diffuse lesfilms d’ateliers. Ce sont des films très brefs(deux ou trois minutes). Ils passent sur destélévisions disposées un peu partout. Commeça, les gens du quartier et les parents peuventregarder ce qu’ont fait les enfants, découvrirl’activité, demander des renseignements”.Ensuite vient la projection. Sa réussitedépend de plusieurs paramètres au premieractions cinéma / audiovisuel projections / 17