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Projections - Passeurs d'images

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LES ACTEURS__ENTRETIENcette population, de sa culture, de son histoire et d’inviter chacun à sepencher sur le “vivre ensemble” afin que l’on puisse mieux se connaître.Programmer ce type de Panorama aujourd’hui est un véritablegeste politique et nous espérons parvenir à casser certaines idéesreçues.<strong>Projections</strong> : Vous voulez donc faire du Panorama un véritableespace de rencontre. Parvenez-vous à faire se déplacer des personnesqui habituellement ne vont pas au cinéma ?BS : Bien sûr, l’année dernière, sur deux jours et demi nous avonsréuni environ 2000 personnes et les salles n’ont pas désempli pendanttoute la durée du festival. Le public familial originaire duMaghreb, qu’on ne voit jamais à l’Ecran car il n’est pas dans ses habitudesd’aller au cinéma (qui plus est un cinéma comme l’Ecran), s’estdéplacé en nombre, mélangé à un public de cinéphiles qui voulait voirdes films pour la plupart inédits en France. Il y avait quelque chose detrès festif lors des projections.Cette année, nous récidivons sur quatre jours et donnons à ce festivalune dimension culturelle plus large. Avec l’aide du Conseil régionald’île de France, du Conseil général de la Seine Saint-denis et de la mairiede Saint-Denis, nous tentons d’en faire un événement dont l’épinedorsale reste certes les films et les rencontres avec les cinéastes, maiss’enrichit de propositions théâtrales, musicales. Au théâtre GérardPhilippe, la comédienne Souad Amidou proposera une mise en scènede Joha et les pommes, une fable politique d’Ahmed Tayeb el Alj grandauteur classique marocain de plus de 80 ans. Des concerts serontdonnés, dont celui de Sapho proposé comme événement de clôture authéâtre Gérard Philippe.<strong>Projections</strong> : Pourquoi des personnes, qui ne sont que rarementdes spectateurs de cinéma, se déplacent pour voir les films ? Est-cepar le biais des associations ?BS : Outre le fait que le “téléphone arabe” semble avoir parfaitementfonctionné, les personnes sont venues parce qu‘elles pouvaient enfinvoir sur grand écran des films venant de leur pays et dont, pour certains,elles avaient entendu parler. L’année dernière dans le Panoramanous avons passé La chambre noire d’Assar Ben Jelloun, l’un des premiersfilms marocains à évoquer un sujet tabou dans la société marocaine.Le film revenait sur la période de féroce répression engendréepar le règne du roi Hassan II qui a entraîné de nombreuses incarcérationsarbitraires. Il décrivait les conditions de détention dans lesgeôles marocaines et le climat politique délétère de l’époque. Troiscents personnes étaient présentes dans la salle et la séance a donnélieu à une symbiose totale entre le public et le film. Le débat qui a suivila projection, chargé d’émotions, a généré un échange entre la salle etle réalisateur comme rarement j’ai pu en entendre. Ceux qui avaientvécu cette période racontaient qu’ils étaient heureux de voir en imagesdes choses qu’ils avaient au fond d’eux-mêmes et qu’ils ne parvenaientpas à exprimer, y compris au sein des familles. Lorsque lecinéma est capable de jouer ce rôle-là, cela devient fabuleux.Aujourd’hui, programmer dans une salle militante exige d’effectuerdes choix de programmations qui prennent en compte la réalitésociale et humaine de la ville où la salle est implantée. Ne pas intégrerces éléments c’est passer à côté d’une dimension importante.Dans la ville, l’Ecran est perçu comme un lieu d’échanges, de débatsd’idées. On peut y voir des films et échanger avec des intellectuels, descinéastes, des techniciens. C’est un lieu qui possède une forte politiqued’animations.<strong>Projections</strong> : Cette caractéristique est inhérente aux salles qui se qualifientde salle de proximité où le débat devient aussi important quele film. Cette dynamique est symptomatique d’un climat social oùles gens se sentent privés de parole dans l’espace public et viennentdans les salles de cinéma à la recherche d’une agora où débattre.BS : Nous essayons de répondre à cette requête sociale même si cen’est pas toujours simple, car parfois cela nous emmène à privilégierla rencontre plutôt que le film, les problématiques qu’il soulève surses aspects cinématographiques. En même temps on marque despoints dans la durée avec ce genre de démarche. Le travail avec lesassociations locales ne peut s’inscrire que sur le long terme, la régularitéest essentielle.<strong>Projections</strong> : Le cinéma n’est-il pas l’un des derniers arts dont lesgens ont envie de parler entre eux ?BS : Le cinéma est un “moyen” pour débattre avec le public, il restel’art le plus populaire qui soit.<strong>Projections</strong> : Qu’en est-il du public d’un festival comme Est-ce ainsique les hommes vivent ?BS : Ce festival mobilise des spectateurs plus cinéphiles et parisiens.40% des 4000 personnes présentes sur cette manifestation viennentde Paris.<strong>Projections</strong> : Votre démarche se décline donc en deux mouvements.D’abord vous travaillez à destination d’un public local et enmême temps vous imaginez des programmations pour faire venirle public Parisien ?BS : L’identité de notre salle, c’est l’image qu’elle a acquise auprèsdu public qui la fréquente en majorité. Mais l’image de marque del’Ecran se construit tout autant sur sa capacité à faire résonner sesactivités au-delà des limites de la ville, comme avec Est-ce ainsi queles hommes vivent ? ou lorsque le cinéma devient partenaire deBeaubourg sur le Cinéma du Réel. Ce partenariat fut l’occasion d’inviterJia Zhang Ke pour présenter Still Life et Dong. Sur deux centspersonnes présentes dans la salle, il n’y en avait que trente résidentessur Saint-Denis, mais ce genre de propositions nous permet dedéfendre le cinéma que l’on aime et de faire découvrir Jia Zhang Keà quelques spectateurs. C’est un travail que l’on ne peut quantifier,mais il reste primordial.<strong>Projections</strong> : Avez-vous l’impression que les divers publics parviennentà se rencontrer ? Pensez-vous que les spectateurs circulent entreles manifestations cinéphiliques et les initiatives plus sociales ?BS : Le rêve de tout programmateur est évidemment de parvenir àmélanger des publics variés, ce que nous tentons de faire à l’Ecran.Mais c’est une entreprise difficile, car il existe un réel cloisonnemententre les profils de public. Faire éclater ce cloisonnement estun travail de longue haleine, mais je ne désespère pas d’y parvenir,c’est un idéal à atteindre, je tends toujours vers ça. Je résiste à toutelogique communautariste et tente de faire de l’Ecran un lieu qui nesoit pas vécu comme replié sur lui-même ne s’adressant qu’à descinéphiles.ENTRETIEN RÉALISÉ PAR DAVID MATARASSO ET JEAN-MARC GÉNUITEactions cinéma / audiovisuel projections / 121

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