LES ACTEURS__PORTRAITPasseur d’imagesRennes. Festival Trtavelling. Rencontre avec Jean-Paul Mathelier : Conseiller d’Éducation Populaire et deJeunesse (CEPJ) cinéma à la DRJS Bretagne.article paru dans <strong>Projections</strong> n°19_rencontres_mars 2006Jean-Paul parle. Il est passionné par son travail, sa mission. Ilregarde à droite, à gauche, s’emballe, dénonce, cherche desapprobations. Sur son travail avec les partenaires et les jeunes,il est prolixe. Sur la situation actuelle, il est inquiet, mais paspessimiste. Il trouve que le terrain est actuellement très glissant: “Les relais et jeunes avec qui nous travaillons sont dansdes situations beaucoup plus difficiles que nous. Ça ne tire pasvers le haut. Ils demandent des “recettes”, des finalités gagnantes.On ne peut pas leur reprocher, ils sont sous pression”.Après trente ans de bons et loyaux services, il pense que sonrôle n’a pas changé mais que le regard institutionnel n’est plusle même : “Auparavant, nous étions délégués pour faire del’éducation populaire. On conseillait les structures sur telle outelle action. On soutenait un projet et on le faisait en rendantdes comptes. Depuis cinq, six ans, il y a de grands flottements !Rattachement à l’Éducation nationale, Jeux olympiques, etc. Lastructure “Jeunesse et Sports” est un peu déboussolée”. Malgrétout, il garde espoir caril y a toujours une certainevitalité, principalementgrâce au faitque les personnelssoient en relation permanenteavec lepublic, avec les jeunes.Les jeunes, il lesconnaît bien. Ils lescôtoient depuis ledébut de sa carrière.Après des études àl’Ecole Nationale dephotographie et decinématographie (ENPC) à Paris (67-68), il intervient au centresocial de la rue de Tanger. Il y rencontre “une chaleureuseéquipe d’animation qui veut mener avec les jeunes des cités duquartier un travail à partir de l’image”. Il veut transmettre ce“plaisir nouveau”, sa passion pour le cinéma et la photographieet y fait “la saine découverte que le Public est toujours plusriche qu’on ne le croit”. Grâce à M. Vey, un CTP cinémaJeunesse et sports, il approche un métier et un monde qu’ilignorait, celui de l’Éducation Populaire. Peter Foldes le prendcomme assistant. Il croise Pierre Schaeffer en plein cœur de l’effervescencecréatrice du service de recherche de l’ORTF. Sousl’impulsion de René Vautier et parce qu’il “manquait d’air”, ilretourne en Bretagne.Commence alors un autre moment de vie, consacrée à la mer, autravail photographique, à bord des bateaux de pêche, maréeshauturières et côtières. “Expériences fascinantes au plus près del’humain”, dans des situations qui bousculent sa pratique del’image. Ce véritable compagnonnage avec le monde de la merenrichit son ancrage à la pointe de Bretagne.Après avoir rejoint l’équipe de la DDJS du Finistère, il participeà la création de nombreux ateliers de photographie ou decinéma militants en cinéma super 8. Divers groupes sociaux,jeunes ou adultes, comités de quartiers, femmes agricultrices,handicapés, réalisent eux-mêmes les films de leur propre histoire.Il crée l’un des premiers “ateliers de la communicationsociale”” où s’engage une pratique du cinéma collectif et social.L’expérience ayant “atteint ses limites et la demande ayantchangé””, il s’intéresse aux radios locales,à la bande dessinée, etdevient compagnon de route du Festival de cinéma deDouarnenez. Jean-Paul se spécialise dans la recherche et la diffusiondu cinéma sur le monde maritime. Les immenses rassemblementsdes voiliers traditionnels de Douarnenez, Brest,Bristol, lui permettront de faire découvrir à un large public, unecinématographie méconnue. Il participe à la programmation deplusieurs manifestations et festivals du film de mer, tout enencadrant des stages de formation à partir de cette matière.Basé à Rennes, mais vivant à Quimper, il enfile les kilomètres,monte le premier atelier “un été au ciné” à Vannes. L’intérêtconstant pour une pratique des ateliers avec des jeunespublics lui font forcément croiser la route de l’équipe régionaled’“un été au ciné-cinéville”. Sa participation sera demener à bien la mise en place de la première rencontre régionale,en équipe avec le coordinateur Jacques Froger, DanièleLejeune de la ville de Brest, et Violaine Guilloux de Côteouest: “J’ai réalisé que cela faisait bien dix ans qu’“un été auciné” existait en Bretagne. Des groupes allaient à Paris auxRencontres nationales pour présenter leurs films, mais ils nese les montraient pas entre eux. Ils s’échangeaient les DVD.Un DVD, comme ça, c’est un truc mort. Il y avait aussi un déséquilibreentre les anciens et les nouveaux, entre ceux qui ontdes moyens et les autres. Nous sommes partis sur l’idée qu’ily aurait forcément des jeunes qui viendraient présenter leursfilms, des animateurs de quartier et des professionnels. Larencontre avec un réalisateur qui sait partager fut une évidence.C’est le réalisateur qui fait le lien”.Les rencontres régionales sont maintenant trimestrielles. Ils’engage sur de nouveaux projets de formations pour les animateursde quartier et de centres de loisirs : sur le documentaire(il est fasciné par le cinéma de Robert Flaherty de Nanookà L’Homme d’Aran) ou sur le cinéma d’animation (avec L’île deBlack Mor, il a tissé des liens avec Jean-François Laguionie).Jean-Paul continue de fourmiller d’idées et de points de vue :ne pas diminuer la capacité de créativité des jeunes en leurimposant un travail collectif, passer un contrat moral avec lesjeunes, casser les mauvaises habitudes, mettre les pieds dansle plat et revendiquer un peu plus d’utopie, etc.Une belle personnalité, ancrée dans le réel.FRANÇOIS CAMPANA128 / projections actions cinéma / audiovisuel
LES ACTEURS__EXPÉRIENCESatelier cinéma d’animation à Trélazé © Véronique CharratEnrichir sa démarcheUn atelier de réalisation sur une année en collaboration avec un réalisateur : une expérience particulière en région Pays de la Loire.article paru dans <strong>Projections</strong> n°6/7_cinéville_juillet 2003“Cent ans de jeunesse”, les cinémathèques etplusieurs associations de cinéma nationalesont lancé l’idée d’ateliers dans le temps scolaireen 2002/2003. Le thème : “La place del’acteur dans la mise en scène”. Une expérienceunique de transfert de cet atelier sur lehors temps scolaire s’est effectuée à Trélazé,près d’Angers. L’animateur en était MohamedLhajri, Directeur du centre culturel duBuisson et coordinateur “un été au ciné/cinéville”sur la ville. D’octobre à juin, à raison dedeux heures tous les quinze jours, il a suivi lesinterventions du réalisateur angevin PascalBonelle, avec six jeunes de 14 à 17 ans.L’atelier s’est déroulé selon une ligne de conduitesuggérée en amont par “Cent ans de jeunesse”.“On nous avait proposé de traiter la thématiqued’abord par le biais d’une série d’exercices”explique Mohamed Lhajri : “des visionnagesd’extraits de films, des discussions, desanalyses ; puis, grâce à un canevas scénaristiqueimposé, que l’on devait développer : travaild’écriture de scénario, story-board, tournageet montage”. L’objectif global n’était pasde réaliser un produit fini mais de poser desquestions de cinéma.“J’ai une formation d’animateur vidéo. C’estla première fois que je travaillais avec un réalisateuret cela m’a permis d’avoir une approchedifférente, autre que technique. Commeles jeunes avaient suivi des ateliers vidéo etétaient eux aussi initiés à la technique, nousavons pu aller tout de suite dans de nouvellesdirections : le travail du scénario, le jeu de l’acteuret toute une dimension scénique que jene connaissais pas : le corps dans l’espace, larecherche de cadrage, de mouvements, leséchelles de plans...”.Le fait de pouvoir observer le travail d’un réalisateurprofessionnel a constitué un apportprécieux.“Il y a eu une grande complicité avec PascalBonelle. J’ai apprécié sa capacité d’écoute visà-visdes adolescents, son contact facile et surtoutla passion qu’il a de son métier. Grâce àlui, j’ai mieux compris le travail que pouvaientfaire ensemble réalisateurs et comédiens”.Plusieurs mois après le début de l’atelier, uneréunion est organisée à Paris, au cours delaquelle Mohamed Lahjri rencontre d’autresenseignants et professionnels impliqués dansl’action.“Chacun a présenté une partie de son activité -des exercices ou le travail sur le scénario. J’aidécouvert des propositions très différentes. Laplus marquante, pour moi, était celle d’un réalisateurqui se tenait d’abord en retrait et laissaittravailler les jeunes. Il organisait ensuite undébat contradictoire à partir de leursréflexions”.Le fait de suivre le cheminement d’un ateliersur une longue durée correspondait tout à faitaux vœux de l’animateur, partisan du travailsur le long terme.“Mon objectif, quand je mets en place des ateliers,est de travailler avec les jeunes au moinsune année entière, voire deux ou trois. Celapermet à des jeunes en situation d’insertionprofessionnelle de se maintenir dans un projet,d’affronter des contraintes - le fait de tournerles week-ends, par exemple. Et puis, çachange leur rapport au cinéma et ça peut produirede vrais déclics” observe-t-il, citantl’exemple d’un adolescent : “il suit l’opérationavec moi depuis trois ans et voudrait travaillerdans l’audiovisuel ; il a décidé de rentrer enseconde en option cinéma”.Au final, l’expérience s’est avérée “aussi enrichissanteet motivante” pour les jeunes quepour Mohamed Lahjri. Celui-ci aimerait bienrenouveler cette collaboration à long termeavec un réalisateur et ne cache pas qu’il a unautre rêve : “tourner avec les jeunes un filmen 35 mm...”actions cinéma / audiovisuel projections / 129