ENJEUX__ENTRETIENvis-à-vis des médias. Cela nous semble particulièrement prégnantconcernant la télévision qui se trouve à la convergencede la culture populaire et de la culture de masse. Les enseignantsont tendance à pratiquer une logique d’amalgames, àne pas parler des télévisions mais de “La Télévision” ouencore des médias dans un sens globalisant qui nous semblepréjudiciable.JMG : C’est une profession fortement imprégnée par laquestion du légitimisme culturel. Dès lors, les médias et laculture de masse lui apparaissent souvent comme desobjets culturels illégitimes. De manière générale, il fautaussi parvenir à dépasser la dichotomie artificielle quisépare culture de masse et culture d’élite pour envisager depousser plus avant l’analyse des médias.DB : Là, nous touchons à quelque chose de fondamental maisde délicat concernant le rapport de l’école aux médias. La“forme scolaire” est en opposition à la culture de masse et à laculture populaire, elle s’articule essentiellement autour del’écrit littéraire et son rapport à l’image reste encore très complexé,très coupable.JMG : Lorsque vous sollicitez des universitaires français quitravaillent sur les médias, faîtes vous appel aux chercheursqui ont intégré les outils méthodologiques issus des “étudesculturelles” anglo-saxonnes comme le sociologue EricMacé ?DB : En ce qui me concerne, oui. “La société et son double”(1) est un ouvrage passionnant et sa lecture m’avait poussé àinviter l’auteur lors d’une journée que nous avions conçueautour de la représentation télévisuelle du monde professionnel.Le titre de son ouvrage demeure pour moi totalement programmatique.JMG : Est ce que certains de vos collègues ne partagent pasvotre opinion vis-à-vis de ce type d’approche ?DB : Je pense que nous sommes traversés par des contradictionssimilaires à celles qui traversent l’ensemble des groupesqui se penchent aujourd’hui sur les médias. Chacun de nouspeut être traversé par une tension entre le pôle militant de ladénonciation et le pôle de l’expertise, de l’analyse.JMG : D’un autre côté, ne trouvez-vous pas que les activitésqui relèvent de l’éducation aux médias ne s’attachent pasassez à l’analyse des dispositifs de mise en scène en tantque tels ? Comme l’écrivait le critique de cinéma SergeDaney, il existe toute une grammaire de l’espace télévisuel.Pourtant, la télévision demeure essentiellement abordée àtravers le prisme de la morale et assez peu en tant que lieude production de dispositifs. N’est-ce pas l’une des limitesd’une émission comme “Arrêt sur image” ?DB : Je souscris complètement à ce point de vue, cela reste effectivementde l’analyse de contenu. Dans les formations que nousproposons autour de la télévision, nous affirmons une conceptionde l’analyse du JT qui vise avant tout à analyser la mise enscène visuelle de l’information. Nous y accordons beaucoupd’importance. Il s’agit d’étudier un certain nombre de dispositifsde fonctionnement visuel, de processus de montage.C’est d’ailleurs l’élément qui nous relie à l’analyse filmique.Nous utilisons un vocabulaire propre à l’analyse cinématographiquepour essayer de développer une approche pertinentedu flux télévisuel.Dans cette perspective, les ouvrages qui appartiennent à la collectionproposée par l’INA comme “Les mises en scène visuellesde l’information” (2) peuvent nous être d’un grandsecours.Notre attention se porte aussi sur l’analyse des régimes discursifsproduits par la radio ou encore sur les architectures de site.JMG : Ne vous semble-t-il pas primordial par exemple d’étudierla manière dont certains sujets du JT ont intégré lescodes narratifs du cinéma de genre ?DB : Complètement. Sur notre site, nous avons d’ailleurspublié un article autour des lois du récit dans l’information.JMG : Pensez vous que l’éducation aux médias puisse unjour acquérir le statut de véritable discipline au sein de l’enseignementpublic ?DB : Dans le “socle commun” des connaissances, paru récemmentet qui fixe les bases de la formation du citoyen dedemain, apparaît noir sur blanc la nécessité de proposer uneéducation aux médias et les programmes scolaires font desréférences de plus en plus explicites à l’éducation aux images.Faut-il pour autant en faire une discipline à part entière ? Jen’en suis pas sûr. Chez l’élève, le processus d’apprentissage sejoue dans une tension entre des savoirs qui répondent à uneforme et à une rhétorique scolaire et d’autres éléments qui yéchappent. Je constate que, par l’intermédiaire de médias, lesélèves peuvent s’approprier certains processus intellectuels deréflexion qu’ils ne parviendraient pas à “fixer” dans une logiquepurement scolaire.Je pense que cette tension doit subsister et je crains qu’entransformant l’éducation aux médias en discipline officielle,cela devienne dommageable pour l’élève.Nous devons conserver et renforcer nos objectifs, continuer àmener une réflexion afin de proposer aux enseignants un certainnombre d’outils d’analyse pertinents sur les médias.Pour autant, faire évoluer l’éducation aux médias vers le statutde discipline scolaire permettrait peut-être de clarifier l’espacedes débats concernant la place des médias.ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JEAN-MARC GÉNUITE1- La société et son double, une journée ordinaire de télévision,Eric Macé, Médiacultures.2- Les mises en scène visuelles de l’information : étudecomparée, France, Espagne, Etats-Unis, Jean-ClaudeSoulages, INA.92 / projections actions cinéma / audiovisuel
ENJEUX__ACTUALITÉSÀ proposdes flux d’imagesRéflexions recueillies lors des Rencontres de l’éducation àl’image en Rhône-Alpes au Lux (ex Crac) - Scène Nationale deValence où Philippe Meirieu et le Vjing se sont retrouvés autourdes “flux” !article paru dans <strong>Projections</strong> n°24_pratiques citoyennes_juin 2007Le Lux a pensé ces nouvelles rencontres comme un laboratoirearticulant monstration, expérimentation et réflexion ;tentant également de rendre compte de la jeune créationartistique. Le pôle d’éducation à l’image a donc la volontéde lier les interrogations sur l’éducation à l’image avec leprojet de Lux qui offre “un partage collectif des images”,du cinéma de patrimoine aux nouvelles visibilités.Un des moments forts du programme fut de proposer uneconférence sur “le V’jing, comme déclinaison vivante etnon linéaire du cinématographe” avec Laurent Carlier (VJet organisateur du festival Vjing VisionR qui est le plusimportant événement du Vjing en France), et une conférencesur “le flux et la construction du symbolique” parPhilippe Meirieu (ancien directeur des IUFM de Lyon,actuel responsable des projets pédagogiques de la chaîneCap Canal). Cette proposition de faire coexister ces deuxrencontres n’aurait pas déplu à Mallarmé, amoureux desmontages symboliques où les écarts forment un sens surprenantet non convenu. Les conférences ne se sont paspensées comme pouvant offrir des “recettes” sur l’éducationaux images, elles interrogent un topos de notretemps : le flux des images. Chaque considération face auximages sous-tend une certaine approche de l’éducationartistique.Laurent Carlier inscrit le Vjing, c’est-à-dire un mixaged’images en live projeté sur différents supports sans vocationillustrative de la musique par des DJs visuels, dans lacontinuité des avants gardes et du cinéma expérimental.L’osmose entre soi et ce qui est projeté, la connivence dessens est essentielle. Toutefois le Vjing ne propose pas defaire une visite touristique en soi-même, c’est-à-dire dereconnaître les images qui sont déjà en nous, mais tententde créer une véritable aventure dans le flux des images.Nous touchons ici un possible malentendu face aux Vjing.Ce medium semble donc poursuivre et accélérer le flux desimages. Disons que son positionnement par rapport auxvisuels de la publicité, aux clips, à ce qui nourrit la sociétémarchande n’est pas de ralentir la vitesse du parcours desimages, ni de passer par l’épure pour résister au trop pleinmais de charger le trop plein. Le Vjing accélère le rythmeeffréné de MTV, récupère tous types d’images (celles de lasociété marchande, du design graphic, de l’art vidéo…), enactions cinéma / audiovisuel projections / 93