LES ACTEURS__PORTRAITKlaus Gerke, distributeurarticle paru dans <strong>Projections</strong> n°5_le documentaire_mai 2003Klaus Gerke se définit luimêmecomme un marginal. Lapipe au coin des lèvres et leregard profond, cet envoûtantpersonnage aux accents germaniquesa plus d’une corde à sonarc. Distributeur indépendant,il a d’abord évolué dans les différentessphères du monde del’art avant de rejoindre l’industriedu cinéma. “Si j’ai choisi lecinéma c’est parce qu’il contientl’ensemble des disciplines artistiques; la musique, les artsplastiques, le jeu de l’acteur, ettout ceci permet de susciter desrencontres avec le public. Leplus important pour moi, c’estde créer une interactivité dansles salles de cinéma”.À 24 ans, il quitte sa terre natale pour rejoindre ce qu’il considèreà l’époque comme le pays de la culture et de la liberté :la France. Homme engagé, il précise néanmoins que la résistanceest un acte que chacun peut accomplir seul, à sonéchelle : “Je ne m’identifie pas beaucoup à la résistance, jesuis plutôt un combattant. J’aimerais bien être un révolutionnaire,quelqu’un qui renverse les choses pour créer quelquechose de nouveau”.Klaus Gerke est un homme de principes. Lorsqu’il a débutédans la réalisation en concevant des films documentaires etpolitiques dans la verve de mai 68, il a toujours conservé enmémoires les préceptes de son “mentor” Joris Ivens, documentaristeet auteur du livre La caméra et moi : “Réflexion,attention et respect des personnes que l’on filme”. S’il aensuite opté pour la distribution et non la création artistique,c’est pour répondre à son besoin de transmettre, de faire partagerce qu’il appelle le plaisir de la réflexion, leitmotiv de samaison de distribution K-Films, engagée “dans la lutte contrel’ignorance pour le plaisir de la réflexion”. Par conséquent,même s’il n’a qu’une activité temporaire de professeur d’économiedu cinéma, à l’université Paris VIII notamment et àHambourg, l’enseignement fait partie intégrante de son travail.Aussi, pour ouvrir l’esprit des spectateurs, y compriscelui des plus jeunes, quelle que soit la thématique abordée,K-Films complète son travail de distribution par un dossierpédagogique à l’adresse des scolaires.Il affirme faire partie de ce qu’il nomme les décideurs culturels,et conscient de l’engagement que cela devrait impliquer,il collabore actuellement avec des réalisateurs comme NoamChomsky et Peter Entell dont il distribue le film, Le Tube,pour amorcer une réflexion sur le danger de l’autocensure.“Le décideur culturel, c’est vous en tant que journaliste, c’estmoi en tant que distributeur, c’est le programmateur d’unechaîne de télévision…Ce sont tous ces gens qui sont actuellementsur le chemin de la crédibilité absurde et qui s’autocensurentd’abord eux-mêmes avant de censurer les autres. C’estpour cela qu’à mon grand plaisir, je sors Le Tube, et que noustravaillons sur ce sujet, parce que je crois que c’est un fléau,le sommeil ambiant dans lequel nous plongent non seulementla télévision, mais aussi l’autocensure”.Si la renommée de Klaus Gerke s’est faite ces dernièresannées autour du Fetish Film Festival, festival de toutes lessexualités, il faut comprendre que cette manifestation s’inscritdans une lignée d’événements que K Films a organisépour éveiller le public à l’image et à la réflexion. “Nous avionsenvie d’organiser un festival sur le thème de l’amour, mais enincluant le corps, or nous ne voulions absolument pas basculervers la pornographie. Nous avons donc décidé d’inverserle processus ; de partir du corps pour retrouver l’amour. LeFFF festival est né et nous nous sommes aperçus que le faitde présenter des sexualités différentes, comme le sadomasochisme,ouvrait à la contestation, à la réflexion, et donc àl’échange”. La prochaine session mettra à l’honneur les filmsde femmes. “Le public féminin est ravi lorsqu’on lui montredes films où la sexualité n’est pas traitée de façon basique etmisogyne”.À travers la distribution, l’édition, l’enseignement et l’organisationd’événements, c’est la passivité ambiante de l’industriecinématographique que Klaus Gerke ne cesse de combattre.Il a, entre autres, proposé la création d’un “Pass pour lecinéma des indépendants” pour offrir à tous l’accès aucinéma d’Art & essai. “Je crois qu’il faut proposer des servicesintéressants pour que le public vienne voir de belles choses,échanger des idées mais aussi, pourquoi pas, simplementfaire des rencontres”.ANGÉLIQUE LAGARDELe texte du film Le Tube de Peter Entell est disponible aux éditions K-Films.Vous pouvez également retrouver toute l’actualité de K-Films sur le site : www.k-films.com122 / projections actions cinéma / audiovisuel
LES ACTEURS__PORTRAITTom Dercourt,producteur indépendantarticle paru dans Cinéville n°3_juillet 2001Chez les Dercourt, la production est affaire de génétique. Il y eut legrand-père, le père - toujours en activité -, il y a maintenant le fils, Tom.Et puis le frère, Denis, réalisateur. Les deux rejetons, aidés des fonds dupapa, ont fondé leur boîte de production, “les films à 1 dollar”, il y a cinqans. Au départ, parce que Denis, auteur voulait faire des films et queTom, ex-manager de groupe de rock devenu assistant-réalisateur, sesentait “très naturellement”, la fibre productrice. Avec Le déménagement, leur premier long métrage produit dans les conditions d’uncourt, - entendez sans un sou-, ils convoquent tous les distributeurs deParis à une projection que chacun croyait privée ! Le culot paie : le filmest à l’affiche 8 semaines dans une salle parisienne. Encourageant. Leursecond film, Les cachetonneurs, auto-financé lui aussi, sera acheté parCanal +. Et toute l’équipe, enfin payée. “Nous sommes des artisans fousfurieux”, dit Tom. Artisans, certainement. Avec quatre films à petit budgetproduits en cinq ans, 3 employés à plein temps depuis deux ans etune pléiade d’intermittents, la maison reste fragile. Fous furieux, c’estmoins sûr. Tom a le verbe passionné, la nonchalance séduisante de l’excellentcommuniquant qu’il est, mais le discours averti et le métier dansle sang. Omniprésent sur les tournages parce qu’il est “un producteurde plateau et non de bureau”, gérant toute la chaîne, de la production àla distribution en passant par les ventes à l’export, “parce que quand ona tous les mandats, on peut faire de l’argent”, le jeune Tom, 31 ans, délèguepeu. “Je produis à l’américaine, j’ai le “final cut”, mais attention,on discute toujours et les réalisateurs (essentiellement son frère)aiment cette présence”. Une présence à toutes les étapes du film quipermet aussi de donner la durée nécessaire à des films recherchecomme Le rat, tourné il y a 3 ans et encore acheté à l’étranger, “on prendle temps donc on optimise à mort les ventes ! ”. Car pour défendre “levrai cinéma”, l’homme n’en garde pas moins les pieds sur terre. “On nedoit pas plonger sur un film, or c’est normal qu’un film ne marche pas,il y en a trop, le public ne peut pas suivre. Les risques, il faut les prendreà bon escient, sans tabler sur les recettes”. Les qualités d’un bonproducteur selon lui ? “être un bon gestionnaire financier et humain etavoir le sens du marché !” Tout est dit.ANNE TIKHONOFFactions cinéma / audiovisuel projections / 123