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Projections - Passeurs d'images

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LES PUBLICS__RÉFLEXIONLes médias de masseet leurs publicsarticle paru dans <strong>Projections</strong> n°26_les publics_décembre 2007Envisager de penser la notion de public, c’est convoquer un territoire complexe aux accents pluriels, un cadre de perceptionà géométrie variable constitué par des auditoires aux identités fort différentes. Le champ des études théoriquesconsacré à la réception nous enseigne que le public en tant que tel n’existe pas, qu’il n‘est qu’un “signifiant vide”qui s’incarne dans une multitude d’expériences irréductibles dont le sens et la physionomie ne s’éclairent qu’à l’aunede facteurs sociaux comme le genre (féminin, masculin), la classe d’âge ou encore l’origine sociale ou ethnique.Ce champ nous invite à repenser les relations complexes qui se tissent entre les objets culturels et leurs perceptions.Le concept de public reste donc un espace polymorphe à découvrir, à appréhender dans sa diversité. Il se transformeen fonction de l’évolution des pratiques culturelles, de l’environnement technologique, du contexte pédagogique. Il està l’origine d’un réseau social composite à l’architecture et au relief mouvants, au sein duquel circulent des espacescommunautaires qui sont autant de lieux où s’incarne l’imaginaire social.Dans un pays comme la France, si fortement imprégné par une traditionlégitimiste de la culture, l’approche des médias de masse etde leurs publics se développe essentiellement sous le magistèreintellectuel de la “théorie critique” élaborée au sein de l’Ecole deFrancfort dans l’Allemagne des années trente. Cette théorieconstruit le public des “industries culturelles” comme une entitéhomogène totalement “mystifiée” par l’idéologie dominante que sesproductions véhiculent majoritairement. En réduisant l’espace deréception à une “masse indifférenciée”, privée de toute distance critiqueface aux contenus des propositionsmédiatiques, cette conceptionsouvent relayée par la culturesavante contemporaine, désigneautant la médiocrité des contenusque celle de leur récepteur.Ainsi, les jugements critiques sur laréception des médias de masse(télévision, cinéma, Internet) sontsouvent largement recouverts par levoile du fantasme. Ils relèventdavantage du domaine des préjugésélitistes portés par ceux qui lesénoncent, qu’ils ne témoignent d’une quelconque réalité sociologique.Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer les discoursméprisants ou condescendants avancés par le public cultivé vis-à-visdu “grand public” de la télévision. Comment ne pas y déceler lamanifestation d’un “principe de distinction” sociale qui se traduitpar l’adoption d’une posture paternaliste visant à infantiliser l’Autreculturel de classe ? Le public de la télévision, de manière plus oumoins sophistiquée, ne cesse d’être renvoyé au rang de “peupleenfant” des médias de masses qu’une “mission civilisatrice” portéepar les tenants de la culture légitime savante se doit de “protéger” etd’éduquer.“Un cliché, ce n’est ni vrai ni faux,c’est une image qui ne bouge pas.Qui ne fait bouger personne.Qui rend paresseux”.Serge DaneyPourtant, la “réalité” de la réception nous enseigne qu’il n’existe pas derapport univoque et homogène aux objets culturels, qu’il n’y a pas d’uncôté le public populaire de la culture de masse “aliéné” et incapable deréactions et de l’autre un public conscient, doté de “compétences”.Michel de Certeau a mis en évidence dans “L’invention du quotidien”,la manière dont le public de la culture de masse invente à son profitdes usages qui lui sont propres, en élaborant des “tactiques”, des“stratégies” et des techniques de “braconnage” qui sont autant de“pratiques de détournement” et de “ruses des consommateurs”.Courant de pensée novateur issudu Centre Culturel for ContemporaryCultural Studies fondé par RichardHoggart au sein de l’Université deBirmingham (UK) en 1964, lesCultural Studies, ont rénové lavision sociologique des rapportsqui se tissent entre les médias demasse et leurs publics. Des critèressociaux tels que l’âge, le genre,la catégorie sociale ou encore l’origineethnique sont rapidementdevenus des facteurs déterminantspour penser la réception dans toute sa complexité. Ces études s’interrogentsur la façon dont les propositions de la culture de masseen circulant d’un lieu à l’autre de l’espace social de réception, sechargent de significations et de potentialités différentes, voire divergentes.Dès l’origine et grâce à des penseurs tels que Stuart Hall, les CulturalStudies se sont affranchies du modèle théorique qui transforme lepublic de la culture de masse en un agrégat homogène maintenudans un rapport de passivité et totalement acculturé aux discoursaliénants des “industries culturelles”. Certes, il existe des représentationsculturelles qui visent à s’imposer comme “hégémoniques”.actions cinéma / audiovisuel projections / 41

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