NOUVELLES PRATIQUES__ENQUÊTEinstallation/atelier d’Erik Chevalier © JGinstallation/atelier d’Erik Chevalier © JGVIDÉO & MULTIMÉDIAL’un des ateliers de L’Abominable a fait l’objet d‘une présentationdans le cadre de rencontres régionales d’éducation àl’image organisées par l’association a-ba/bande annonce, enmai 2005. Elles avaient pour thème : “Expérimentationsesthétiques : d’autres voies ?”. “Je suis convaincu que l’on enapprend plus sur l’image en regardant une heure de vidéos deBill Viola qu’avec des heures de discours” confie LaurentJoyeux, de Bande annonce. Pour lui, l’éducation artistique àl’image se limite “aux films d’art et d’essai, du patrimoine oudu cinéma d’auteur” et se doit d’évoluer vers l’art vidéo et lesarts numériques. Des formes que son association tente depromouvoir depuis 1994 à travers des rendez-vous comme les“Trainings”, consacrés aux jeunes artistes de la région deMontpellier ou par la mise en place d’ateliers multimédiascomme ceux réalisés dans le cadre de “cinéville-un été auciné” (que Bande annonce coordonne en Languedoc-Roussillon).Artiste vidéaste, Erik Chevalier a animé en 2005 un atelierd’installation vidéo à Mortagne du Nord (Nord-Pas de Calais)co-produit par Hors Cadre (coordination régionale de “cinéville”)et par l’association Tous Azimuts.Dans une tente noire, des enfants avaient disposé des sculpturesen plastique blanc à leur effigie. Un vidéoprojecteur pivotantsur son axe projetait sur celles-ci des images tournées parles enfants. “Il s’agissait de mettre en place une confrontationphysique avec l’image. D’habitude, la projection assigne uneposition de spectateur. Ici, les enfants étaient acteurs d’unescénographie, d’un espace de monstration”.L’atelier s’est déroulé en trois phases : arts plastiques, écriture/tournageet montage/installation. Le fait que les enfantsaient auparavant effectué des ateliers “classiques” a permisd’aller “vers une recherche plus compliquée tout en restantludique (…). Les enfants ont moins d’atavisme que les adultesdans les expositions. Ils vivent l’installation physiquement,s’approprient les dispositifs et les distances (…). Ici, le fait queleur corps serve d’écran les a amené à se poser la question :“Quelles images vais-je projeter sur moi ?”. Ils ont choisi des chosesqu’ils pensaient représentatives d’eux-mêmes, un objet, portable,un lieu de leur village… Erik Chevalier explique que l’unede ses expositions, réalisée en Angleterre, a servi d’“antichambre”à l’atelier. “D’autres fois, les expériences de transmissionm’ont poussé plus loin dans mon travail artistique”.Création et pédagogie se croisent aussi à l’Atelier du CinémaExcentrique (Cinex) de Grenoble. Comme l’explique Blick, sesmembres aiment inventer leurs propres outils, tel ce “dispositifreliant le logiciel sonore Q-Base à un projecteur 16 mmpour des projections sonores synchronisées”. L’une de leursdernières inventions se nomme L’Atelier du Montage Exquis(L’AME).Ce logiciel a d’abord été conçu pour “réintroduire de l’aléatoiredans le travail de montage”. Une fois que l’on y a intégré lesplans tournés, on peut se livrer à toutes sortes d’essais de raccordset de visionnage inattendus. Il possède pour cela desapplications spéciales, “les outils irrévérencieux” qui visent à“apporter des perceptions nouvelles, à révéler les potentialitésdu matériau. Ces outils sont inspirés de nos propres pratiques”,précise Blick.À l’issue d’ateliers effectués hors temps scolaire, L’AME aaussi démontré son “potentiel pédagogique”. Son développements’est poursuivi, de manière à en faire un instrumentd’éducation à l’image autant que de création, stimulant l’imaginaireet permettant d’avoir un regard analytique sur l’image.L’AME, le premier logiciel expérimental ?DAVID MATARASSOCinéma d’avant garde, underground, différent… L’expérimental possèdebeaucoup de noms et encore plus de facettes.En Europe, les années 20 constituent un premier âge d’or de recherchesformelles menées dans le cadre de fictions (Epstein, Gance), de films abstraits(Ruttmann et Fischinger en Allemagne), de films d’artistes (Léger,Picabia) fondés sur les jeux d’optique et de vitesse (Chomette). Avantgardeartistique et cinématographique vont de pair : films “Dada” (ManRay), surréalistes (Dulac, Dali, Cocteau), futuristes (Dziga Vertov et le“Ciné œil”), lettristes (Lemaître)…L’avant-garde américaine n’est pas en reste : films de danse abstraits(Stella Simon), critiques du cinéma commercial (Oscar Micheaux, JosephCornell), visions urbaines (Armitage) ou oniriques (Maya Deren). L’aprèsguerrevoit surgir le New American Cinema (Stan Brakhage) puisl’Underground : sexe et psychédélisme sont au cœur des œuvres de Anger,Warhol, Jack Smith. Figure tutélaire, Jonas Mékas fonde en 1962l’Anthology Film Archives, première coopérative de films expérimentaux.Inventeurs d’un “cinéma structurel”, Sharits, Kubelka ou Snow révèlent lesfondements du mécanisme cinématographique. Len Lye et MacLaren réinvententl’animation. La pratique du “found footage” (“pellicule trouvée”),remploi d’images existantes, génère des films iconoclastes et politiques(Fontaine), des analyses visuelles (Arnold, Müller). L’un de ses maîtresactuels est l’Autrichien Peter Tscherkassky (Dream Work).148 / projections actions cinéma / audiovisuel
NOUVELLES PRATIQUES__ENTRETIENLe cinéma et au-delà :rencontre avec Gilles AlvarezGilles Alvarez dirige le secteur Image d’Arcadi (voir encadré). Il est également Directeur artistique du festival Némo.En 2006, pour sa huitième édition, la manifestation offrira une fois encore un panorama des pratiques expérimentalesaudiovisuelles au sens le plus large du terme.article paru dans <strong>Projections</strong> n°18_images alternatives_décembre 2005Flesh d’Edouard SalierPourriez-vous dresser un panorama des disciplinesaudiovisuelles régulièrement présentées dans le cadredu festival Némo ?Némo est le festival de toutes les images expérimentales.Nous recherchons dans l’art et l’industrie ce qui s’apparenteà de la recherche fondamentale en cinéma. Nous partons ducinéma expérimental “traditionnel” argentique pour aboutirà ses formes multimédias les plus contemporaines : l’infographieen 2D ou 3D, le “motion graphic design” (designgraphique animé), le cinéma interactif - fiction ou documentaires-, le clip, le jeu vidéo. Du jeu vidéo, nous montronsles formes qui constituent des avancées en directiondu cinéma, ou bien celles qui s’en inspirent comme les“machinimas”, nouvelles formes de fiction utilisant lesmoteurs graphiques des jeux vidéo. À cela s’ajoute les installations,l’“expanded cinema” (cinéma élargi ou “installé”)et tout ce qui relève de la performance, dont le Vjing.Classeriez-vous ces formes dans le champ du cinéma oude l’art contemporain ?Pour moi, il s’agit véritablement d’un festival de cinéma,d’un cinéma qui utilise le multimédia et n’est pas très éloignéde l’art contemporain. Némo explore les perspectivesoffertes par le cinéma expérimental aujourd’hui en termesd’esthétique, de narration voire de production.Empire d’Edouard SalierObras d’Hendrick DusollierQu’en est-il en termes de production ?Ces créations et ces films n’ont plus le même mode de productionque le cinéma traditionnel. On les fabrique soitdans des collectifs qui travaillent en autoproduction hors dusystème économique habituel (les subventions, le CNC, lesrégions), soit tout seul. En infographie, on peut faire un filmsur son ordinateur de A à Z. Il y a une réappropriation detous les moyens que le cinéma proposait de façon éclatée endivers lieux, diverses phases techniques et artistiques. Ondevient à la fois scénariste, réalisateur, monteur, etc.En termes de création, voyez-vous certaines disciplinespasser de mode ?Tout cela est trop jeune pour voir des disciplines péricliter.De nouvelles formes émergent tous les matins comme lascène “3D demo”, avec des films en 3D créés non pas à partirde logiciels d’images mais de codes informatiques. À lalimite, Némo est presque trop grand public pour présentertout ce qui se passe, par exemple au niveau d’une scènecomme l’“Open Source”, des artistes qui travaillent sur leslogiciels libres de droits.actions cinéma / audiovisuel projections / 149