NOUVELLES PRATIQUES__ENTRETIENCes disciplines sont d’abord porteuses d’innovation formelle.Apportent-elles des thématiques nouvelles ?Les thèmes du cinéma et de la littérature sont vieux comme lemonde. Il n’y a pas de révolution en ce qui concerne les sujets.En revanche, n’importe quel thème peut être traité grâce à l’infographieou l’interactivité. Je ne pense pas que les genrescinématographiques traditionnels aient encore de l’avance parrapport à ces catégories numériques. Vous pouvez faire unfilm intimiste en 3D, un film social à l’anglaise avec un apporttechnologique permettant d’incruster des éléments au servicede la narration. Nous n’en sommes plus aux “nouvelles images”des années 80. Les effets spéciaux ont été assimilés. Lecinéma d’auteur peut intégrer ces technologies.Ces formes, comme le Vjing, abandonnent-elles la narrationou proposent-elles de nouveaux modes narratifs ?Il faut distinguer le Vjing traditionnel, qui consiste à meublerle regard des spectateurs et des danseurs pendant que la musiquepasse, du Vjing d’auteur. Celui-ci est fait par des artistesqui créent leurs propres images au lieu de les sampler. Ils ontleur esthétique propre. De plus en plus de Vjs commencent àfaire des “performances d’auteur”. Bien qu’elles contiennenttoujours une bonne part d’improvisation, de “live”, elles sebasent sur un scénario et un découpage. Cela peut allerjusqu’à la performance documentaire sur un sujet précis.Observez-vous des passerelles entre les disciplines expérimentaleset cinéma commercial ?Au risque d‘en choquer certains, je pense que si l’on montaitles séquences expérimentales des films hollywoodiens desupers héros (Hulk, X-Men etc.), on obtiendrait une fantastiqueœuvre expérimentale. Dans l’industrie la plus quelconque,on peut trouver une dimension de recherche. Le jeuvidéo m’intéresse pour cela, comme symptôme d’un cinémaen devenir. Un jour, on incarnera un personnage dans un filminteractif avec d’autres spectateurs/joueurs. Pour créer cetunivers virtuel et ses contraintes, il y aura toujours un réalisateur.Les nouvelles disciplines génèrent-elles de nouveauxmodes de diffusion ?Actuellement, chacun peut montrer son film sur Internet. Audelàde cette étape, les nouvelles formes entreront dans les sallesquand celles-ci seront équipées en numérique. Une salleclassique pourra offrir un nouveau type d’Art et Essai. Àcondition que soient éclaircies les questions des projectionsnon commerciales et de la billetterie adaptée à ce type de séances.La diffusion de ces formes passe en effet par de nouveauxlieux comme les Espaces Culture Multimédia (ECM), les lieuxintermédiaires. Je reviens de Montréal et je suis ébahi chaquefois par le nombre d’endroits où l’on peut faire de la performanceet de l’installation. Toutes ces “boîtes noires”, ces sallespresque vides et dotées d’une technologie importante qui permetde reconfigurer l’espace à volonté, de projeter au plafondou sur huit écrans. Sinon, on peut aussi acquérir pour dessommes assez modiques des DVD d’art et multimédia etcomposer chez soi son programme expérimental.Némo est un festival gratuit. Comment évolue-t-il ? Parquel type de public est-il fréquenté ?Le public est important et extrêmement mélangé. Il sedéroule au Forum des Images des Halles, carrefour de communicationoù se croisent toutes les lignes de métro et deRER, dans plusieurs salles en entrée libre. Des gens de toutela région s’y rendent, l’étudiant en art ou l’homme de la rue.Nous voulons montrer l’underground au grand public, pasfaire un festival underground élitiste. Il est donc essentiel detout mélanger : à la fois un clip, une vidéo d’art, un machinima,un film expérimental.Nous avons été les premiers à faire des rétrospectives d’auteursde clips comme Michael Gondry ou Tim Hope. Il a falluque ces cinéastes passent au long métrage pour que l’onprenne conscience qu’il s’agissait d’auteurs à part entière.Arcadi, qui organise le festival Némo, produit des œuvresexpérimentales par l’intermédiaire du fonds d’Aide à lacréation multimédia expérimentale (ACME)Nous retrouvons à l’ACME le type d’œuvres présentées àNémo. Némo est d’une certaine façon un festival qui financedes œuvres. Arcadi fait également de l’aide à la diffusion surles projets soutenus. L’année prochaine, nous lancerons desprojets d’action artistique. Arcadi est un établissement pluridisciplinaireet nous avons des projets discutés entre différentssecteurs – danse, théâtre, opéra, chanson. L’hybridationdes formes d’art, ou l’hybridation de l’art et de la technologiesont au cœur de nos réflexions.PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID MATARASSOArcadi (Action régionale pour la création artistique et la diffusionen Île-de-France) est l’établissement public de coopérationculturelle pour les arts de la scène et de l’image en Île-de-France créé par la Région Île-de-France et l’État (Directionrégionale des affaires culturelles). Sur l’ensemble du territoirefrancilien, il a pour mission de soutenir la création, d’améliorerla circulation des œuvres et de contribuer au développementd’actions artistiques et culturelles. Il intervient dans ledomaine du théâtre, de l’opéra, de la chanson, de la danse, ducinéma et du multimédia.CONTACT :Arcadi - 51, rue du Faubourg St-DenisBCS 10106 - 75468 Paris Cedex 10Tél : 01 55 79 00 00info@arcadi.frwww.arcadi.fr150 / projections actions cinéma / audiovisuel
NOUVELLES PRATIQUES__ENQUÊTEAtelier multimédia “La mémoire partagée du jardin” © Vincent MardeletLe partage des imagesPour Sylvia Hansmann, le multimédia peut trouver une véritable place dans l’éducation à l’image, à condition d’êtreenseigné comme un outil de création à part entière.article paru dans <strong>Projections</strong> n°9/10_cinéville_janvier 2004Née en Allemagne, ayant suivi les cours desBeaux Arts à Paris, Sylvia Hansmann travaillecomme artiste libre depuis dix-sept anset vit à Montpellier. Dans le cadre d’“un étéau ciné”, elle a animé à Cendras un atelieravec un groupe de huit jeunes. Constitué dedeux sessions de cinq jours, celui-ci a permisd’initier les adolescents à la photographie,puis à la construction d’un site Internet, et àla mise en ligne des images réalisées. Thèmechoisi : “La mémoire partagée du jardin”.“Je m’intéresse beaucoup à la nature, à l’environnement”,explique-t-elle. “J’ai eu envie decentrer l’atelier sur les jardins partagés, ceslopins de terre à l’écart des habitations quel’on trouve dans beaucoup de villes ouvrières.Ils appartiennent à des familles vivant dansdes HLM, à des retraités, des associations. Cesont des bric-à-brac magnifiques, qui recèlenttout un imaginaire. Il m’ont égalementséduite parce qu’on les retrouve un peu partout,en Chine ou en Allemagne. Ils ont uncôté universel. Or, la thématique du lien estau cœur de mon travail : les liens entre leschoses, les êtres, les éléments naturels”.Bien qu’elle fasse appel au multimédia pourses propres créations*, Sylvia Hansmanns’avoue peu captivée par la technique.L’approche qu’elle souhaitait mettre enœuvre sur cet atelier était d’ordre artistique.“Nous avons passé la première journée àobserver la nature sans prendre une seuleimage car je voulais commencer par laisserde côté l’aspect purement multimédia. Puis jeleur ai montré des photographies, desœuvres d’autres artistes. Je leur ai fait découvrirle land art”, ce pan de l’art contemporainqui investit le paysage naturel comme supportet espace de création.Lors des prises de vues, effectuées à l’aided’appareils photos numériques, l’attentions’est portée sur la composition de l’image, lechoix du cadrage.“Je sais que ce qui attirait les jeunes, audépart, c’était l’ordinateur et tout ce que l’onpeut faire avec un logiciel commePhotoshop : les filtres, la pixellisation. Jen’aime pas trop ces effets car à mes yeux, iln’y a aucun contenu là-dedans. Ce sont desgadgets. Ce que je voulais apprendre aux jeunes,c’était à ne pas se laisser diriger par l’ordinateur,mais à s’en servir pour mettre enscène leurs idées”.Durant la seconde partie de l’atelier, consacréeà la mise en ligne des images, le travails’est effectué à l’aide de Dreamweaver, logicielde construction de site Web. “Très simple,il permet de faire rapidement des chosespassionnantes”.Le site doit rester en ligne pour une duréeindéterminée et connaîtra peut-être des évolutions.Sylvia Hansmann aimerait établir desliens avec d’autres sites dédiés au même sujet,“créer des ouvertures”. Le véritable intérêt dumultimédia, selon elle, réside avant tout dansle fait de pouvoir s’intégrer dans un réseau.“Une personne, qui réalise ses images envidéo dans son coin, peut décider de les diffuser.Cela renverse notre position face auximages. Habituellement, nous sommes envahispas les images des autres : la publicité, latélévision etc. Là, il est possible d’envoyer desimages au monde, de rendre public sesvisions. Est-ce que les gens les regardent ?Rien n’est moins sûr, Il y en a tellement surle Web”. Pour elle, l’enseignement du multimédiadevrait tenir compte de cette multiplicationdes images. “Il y en a tellement autourde nous, et surtout dans l’environnement desjeunes : jeux vidéo, etc. Dès que l’on tourne ledos, les jeunes s’y replongent. Je ne dis pasqu’il n’y a pas des choses intéressantes dansles jeux vidéo. Mais si l’on veut véritablementtravailler sur le multimédia”, affirme-t-elle,“un atelier de quelques jours, une fois detemps en temps, ne suffit pas. Il faudraitintervenir de façon très régulière, une fois parsemaine, sur une longue durée”.* Site de Sylvia Hansmann : www.laballerouge.comactions cinéma / audiovisuel projections / 151