HISTOIRE__PERSPECTIVESOLIVIER MENEUXCoordinateur “un été au ciné / cinéville”ACAP – Pôle régional image Picardie“L’éducation à l’image est un enjeu majeurcomme en témoigne le plan Lang à l’école.Hors temps scolaire, cette mission tient surun tissu associatif empirique animé au grédes engagements de ces partenaires. Il estnécessaire de garder la force de cet engagement,mais en valorisant le travail effectué, enle structurant. En qualifiant ce travail, on luiapporte une reconnaissance, mais pour sedévelopper, il doit bénéficier de moyens. Orpour fédérer les énergies, il faut une vraievolonté de l’Etat. La décentralisation est bonnepuisqu’elle permet de partir du terrain. Maiselle a aussi un caractère pernicieux, car ellecrée une forme de cas par cas qui oublie leséquilibres et le collectif.Entre les personnes très engagées et la volonténationale affichée, il manque un échelon quipermettrait aux acteurs de terrain de s’emparercollectivement de cette mission d’éducation.Un mot d’ailleurs que je n’aime pas, jepréfère parler de sensibilisation, c’est plusjuste par rapport aux moyens existants et ausens du mot. Sensibiliser, c’est permettre larencontre, de voir et de faire. Il faut travaillersur ces deux regards. C’est pourquoi avant deparler de films d’ateliers, je m’intéressed’abord aux ateliers. On met aujourd’hui laproduction de films en avant, or ce n’est pasune nécessité, ce qui est important, c’est defaire. Il faut d’abord penser à la place du filmdans l’esprit de celui qui le fabrique. Faire desfilms permet de se frotter au regard desautres, mais je suis plus réservé sur la nécessitéde leur présentation car on crée un désirde cinéma, là où il y a exercice d’atelier. Lesfilms sont par nature singuliers, ils sont lefruit d’un désir, d’un engagement, d’une intimité.Les diffuser dans des festivals induitl’idée qu’il faut faire le meilleur film, on estdans le registre de la notation et plus de la rencontre.Mais pour que la rencontre ait du sens,il faut du temps. Ce que permet le travail àl’année, hors temps scolaire. Ce temps changele rapport à la mise en place des projets. Onpeut laisser la singularité des relations opérerentre animateurs, jeunes et professionnels ducinéma. Les projets qui aboutissent sont nésde collaborations de durée. Or travailler dansle temps de l’école nécessite une formalisation,une organisation. Le plan Lang a mis enplace des ateliers de pratique en novembre. Letemps que l’Education nationale se mette enbranle, les enseignants ont reçu des directivesquinze jours avant de mettre en place les projets.Comment l’enseignant peut-il rêver etmême concevoir dans un délai si court ?Comme le disait Philippe Meirieu “L’Educationnationale crée de la mort avec la vie”.”ASSIA NISAYFAgée de 20 ans, d’origine irakienne, a produit 3courts dans le cadre d’ateliers, (Les fleurs du mal,Mon sage pas sage, Message aux faiseurs de vie).Certains ont été primés.“Nous avons réalisé trois courts métragesaccompagnés du réalisateur Bruno Feindel.Au départ, j’ai fait l’atelier par curiosité, incitéepar une copine qui était en relation avecl’ADSEA 77 (Association départementale desauvegarde de l’enfance et de l’adolescence).Je fais des études de Lettres et je suis très attiréedepuis toute petite par l’art. C’est unmoyen de s’exprimer. Il est essentiel. Petite,j’étais assez solitaire, je lisais, je me fabriquaismon monde à moi, un monde à part. Je croisque c’est de là qu’est née mon envie de montrerma vision des choses. Avec notre courtMessage aux faiseurs de vie, nous avons gagnédes concours, on a même été présenté auFespaco à Ouagadougou. Cela a pris uneampleur qu’on n’imaginait pas au début. A cemoment on se dit que tout est possible avecune bonne équipe et de bonnes idées. On rêve: pourquoi ne pas se lancer ?Malheureusement les écoles sont très chèresou bien exigent des concours d’entrée et jen’ai pas assez confiance en moi pour les présenter.En attendant je continue mes études,cela me donne le temps de la réflexion. L’artest aléatoire, il demande de l’originalité, desidées et aussi des possibilités de rencontre. Iln’est pas évident d’en vivre, de se sentirartiste. Et puis, l’enthousiasme qu’on avait surnotre premier film s’est un peu émoussé. Lesdeux autres films ne m’ont pas autant marquée.Le premier s’était réalisé de manièretrès simple et très rapide, c’était fin juin, onMessage aux faiseurs de vieétait très disponibles, on a travaillé très vite.Après on se connaissait mieux, il a été plusdifficile d’accorder nos goûts artistiques etd’éviter les rapports de force. Je me suis miseplus en retrait. Pour les films suivants, on aaussi travaillé trop vite. Ce n’était pas assez. Ilfaudrait pouvoir creuser les projets.L’association met du matériel à notre disposition.Mais pour avancer dans le cinéma, il faudraitpouvoir s’y consacrer totalement. Et moi,j’ai mes cours et je travaille. Et puis, il faut êtrepris en charge pour faire des choses et semotiver, il faut de la reconnaissance. On n’aeu que des compliments et aucune proposition,pas même celle d’assister à un tournage.Nous n’avons que notre propre expérience quiest unique mais qui ne s’est pas confrontéeaux tournages dans les conditions du réel. Lesfleurs du mal nous a permis d’être invités dansdes buffets où nous espérions rencontrer desprofessionnels. Tout le monde nous disait“c’est génial, ce que vous faites”, mais personnen’a jamais émis de critiques. Les gensne sont pas venus vers nous et nous n’avonspas osé les accoster, ils avaient l’air tellementbien entre eux ! Ce milieu du show-businessne me branche pas, il me semble superficiel ethypocrite. C’est pourtant là qu’on y fait desrencontres qui peuvent changer notre vie.Aujourd’hui, j’écris, je vois des films et j’ail’impression que je suis faite pour l’art, lesidées, aucun autre métier ne m’intéresse.Mais je n’ai pas de certitudes, plus le tempspasse moins j’en ai. C’est comme ça les rêves,plus on réfléchit, moins on agit, plus ils s’affaiblissent.Les rêves sont éphémères.”PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE TIKHONOFF10 / projections actions cinéma / audiovisuel
HISTOIRE__ENQUÊTEDe l’incitation à la réflexionDans un contexte de batailles tarifaires qui bouleverse toute l'industrie cinématographique, il est légitime d'interrogerla viabilité des contremarques dont les remontées sont en baisse constante. Le débat reste ouvert.article paru dans Cinéville n°4_août 2001Utilisables sans distinction defilms ou de salles, les contremarquessont depuis l’origine un desvolets d’un dispositif qui encompte quatre avec les séancesen plein air, les séances spécialeset les ateliers. Ce coupon deréduction de 10 F sur le tarifréduit des salles est distribuéchaque année par les associationsde quartier et toujours plussur tout le territoire, Martiniqueet Guadeloupe comprises.Près de 387 000 contremarquesont ainsi circulé l’année dernièredans 425 salles de cinéma. Unchiffre qui a sensiblement augmentédepuis 1997, alors mêmeque les remontées, c’est-à-dire lepourcentage de coupons réellementutilisé tend à décroître chaqueannée.Dans un contexte où les politiquestarifaires sont devenues lefer de lance des batailles économiquesde toute l’industrie cinématographique,des questions seposent. Les politiques tarifairessont-elles réellement incitatives,dans quelle mesure ? Peut-onparler de concurrence avec lescartes d’abonnement illimité ?Doit-on limiter le champ de l’utilisationdes réductions à certainsfilms ? Quid du réseau associatifdont dépend essentiellement lesuccès de l’opération ? Des questionsqui ouvrent autant dedébats tant les situations territorialesvarient.UNE INCITATION À LAFRÉQUENTATION DES SALLESAlors même que le taux deremontée des contremarquess'érode, tout le monde s'accorde,exploitants ou coordinateurs surles vertus incitatives de la réductiontarifaire pour les jeunes,mais avec quelques bémols.Ainsi Claude Brasseur en Alsace,président d’une association de 15salles de proximité affirme “lespolitiques tarifaires sont commela bouteille à l'encre, on ne saitpas quel est leur effet réel. Maiselles rendent l'opération visibleet sensibilisent les exploitants àleur public jeune.”En écho, Laurent Joyeux interrogela période de l'été peu propiceà la mobilisation dans leLanguedoc : “Dans le sud, noussommes très près de l’eau, laremontée des contremarques esttrès faible, remarque-t-il. Ce n’estdonc pas pour nous le volet del’opération le plus pertinent. Leterrain s’y intéresse peu. Les jeunesvont vers les loisirs et les animateursaussi. Même les exploitants,qui pratiquent d'ailleurseux-mêmes des politiques tarifaires,ferment parfois en juillet.”Jean-Barthélémi Debost pour l'Ilede-Francese veut plus positif : “Sile taux des remontées est enbaisse, ces réductions restent unvéritable outil de communication.”Les exploitants interrogés apprécienten praticiens, les réductionstarifaires. André Oskolapour les cinémas de Millauinsiste “sans les contremarques,les jeunes viendront voir peutêtreun film mais pas quatre. Ilsminimiseront le risque.”Et Roger Diamantis, membre del'AFCAE et directeur du SaintAndré des Arts à Paris, salle art etessai, renchérit : “les réductionstarifaires sont essentielles chezles jeunes de moins de 25 ans.Car si “Amélie Poulain” n’a pasbesoin d’incitation pour battredes records, sur les films réputésplus difficiles, elles ont une vraievaleur incitative.”LES CARTES D’ABONNEMENTILLIMITÉ : UNE CONCURRENCERÉELLE OU SUPPOSÉE ?Les guerres tarifaires et surtout lesfameuses cartes d’abonnementsoirée Cin’hoche à Bagnolet © KYRNÉA / Catherine Milletactions cinéma / audiovisuel projections / 11