NOUVELLES PRATIQUES__COMPTE-RENDUmonter, publier mon film. Le portable devient à la fois la télécommanded’une caméra, d’un banc de montage, d’un projecteur, d’undiffuseur. C’est le mo-blog : la possibilité de créer et d’alimenter sonblog en toute mobilité.Puisqu’il est facile de se filmer soi-même, la pratique de l’auto-filmageest assez représentative de la production sur téléphone mobile et ellegénère de nouvelles esthétiques.L'Expérience de Xavier MusselCRÉER EN MOUVEMENTPocket Films s’intéresse d’abord aux approches différentes de celles quel’on obtiendrait à l’aide d’une caméra classique. Nous avons présentédes artistes qui s’approprient les singularités de l’outil et auxquels celuicia peut-être ouvert des perspectives. Il possède plusieurs spécificités.C’est une caméra que l’on a tout le temps en poche et qui permet defilmer à tout moment. Il n’y a pas si longtemps, on disait : “Si j’avaiseu un appareil photo”. Un rapport différent à la mémoire est en trainde s’instaurer. On peut porter un regard subjectif sur des évènementssurvenant à tout instant et cela se vérifie dans le domaine de l’informationoù de plus en plus d’images (tsunami, attentats) sont enregistréesen l’absence de journalistes. Chacun devient un reporter en puissance.En Angleterre, deux agences sont spécialisées dans la collecteet la revente de ces images et la BBC leur consacre l’un de ses services,ce qui démontre leur valeur.Pouvoir filmer partout pose aussi des questions de droit à l’image, dedroit de filmer. Des questions d’éthique, comme en soulève par exemplele happy slapping, ces “snuff movies” d’un genre nouveau, danslesquels un groupe de personnes agresse quelqu’un, filme l’agressionavec un téléphone et diffuse le film avec le même téléphone.Une caméra traditionnelle, même toute petite, constitue un objetentre moi et le réel que je suis en train de filmer. Le portable n’est plusun médiateur entre l’œil et le réel. Avec lui, c’est le corps qui s’engagedans l’acte de filmer une image. Beaucoup de gens ne regardentmême plus dans le viseur pour cadrer, on le voit dans les manifestations.Le plus étonnant est que cela produit des images stables, puisquel’outil fait partie du corps.L’image captée avec un téléphone peut être immédiatement transmiseà une autre personne. Nous avons vu naître des projets sur ceprincipe : je fais un film, je te l’envoie, tu me réponds par film interposé.Aujourd’hui, même les images que l’on produit soi-même fontpartie d’un grand zapping.Cela change la relation au matériau, aux rushes. Avec notre partenairetechnique, nous avons développé une application nouvelle : au lieuque les images soient enregistrées dans l’appareil sur une cartemémoire que l’on insère ensuite dans son ordinateur, elles sont enregistréessur un serveur distant via le réseau. Où que je sois, j’ai accèsà mes rushes. Je peux tourner sans limites de temps, choisir les plans,CAMÉRA-STYLOPocket Films est partenaire d’écoles de cinéma comme la Fémis, LeFresnoy, mais aussi de lycées, de BTS. Durant le festival, nous animonsdes ateliers de tournage et de montage avec des téléphones.Le téléphone constitue un outil avec lequel on entretient une relationtrès forte, c’est un objet de valorisation personnelle, même pour lesgens qui ont peu de moyens. En ce qui concerne les pratiques des jeunesde la vidéo avec téléphone, il est avant tout un outil de réceptionet de transmission d’images. Exemple : un petit film montrant uncambriolage, tourné par un vigile qui avait filmé son moniteur de surveillance.Les jeunes se sont beaucoup envoyé ce film – on appelle celales “films viraux”. Face à cela, nous ne pouvons pas grand-chosesinon, comme nous l’avons fait, proposer des “Films de la semaine”plus intéressants et plus construits sur le plan artistique, que les genspuissent s’échanger.L’enjeu plus essentiel, selon moi, est : comment s’exprimer avec cetoutil ?Je rapprocherais le téléphone mobile du stylo, et les ateliers que l’onpeut proposer avec lui, des ateliers d’écriture. Quand vous proposezun atelier d’écriture, vous vous adressez à des personnes qui, toutd’un coup, par un échange, voient une porte s’ouvrir. Soudain, ons’exprime, on construit des choses pour soi et les autres. L’enjeu del’éducation à l’image se situe dans cette construction que l’on peutavoir de soi-même, avec les autres, dans la pratique de l’image.L’expression ne doit pas se limiter à la narration, qui est peut-être cequ’il y a de moins intéressant dans le cinéma. Avec un outil commele portable, chacun peut faire des choses abstraites, en percevoir labeauté et l’intérêt pour l’autre.Face à ces nouveaux outils, à ces flux d’images, certains revendiquentla nécessité de continuer à parler du cinéma avec un grand “C”. Jepense qu’il faut continuer à parler de cinéma en prenant en compteces nouveaux moyens de production et de diffusion. Quand GeorgesMéliès, qui réalisait des spectacles de magie, est venu voir les FrèresLumière pour leur acheter une caméra, ils lui ont dit qu’elle n’était pasdestinée à cela, qu’il s’agissait d’une expérience scientifique. Audépart, d’ailleurs, la caméra n’existait pas en tant que telle : c’est uneseule et même machine qui faisait office de caméra, de développeuseet de projecteur – à la manière du téléphone mobile. Et puis, des artistesse sont appropriés cet outil et ils en ont fait quelque chose.BENOÎT LABOURDETTEPROPOS RETRANSCRITS PAR DAVID MATARASSOLa 3e édition du Festival Pocket Fims aura lieu les 8, 9 et 10 juin 2007 au CentrePompidou, à Paris.Films réalisés avec téléphone mobile à visionner sur le site :www.festivalpocketfilms.fr160 / projections actions cinéma / audiovisuel
NOUVELLES PRATIQUES__RÉFLEXIONQuand le Web fait un accès decitoyennetéarticle paru dans <strong>Projections</strong> n°24_pratiques citoyennes_juin 2007C’était à l’automne 2006. François Bayrou donnait une interview filméedans son bureau de la rue de l’Université à Paris. Il avait donnéson accord pour une heure. L’entretien durera… trois heures ! Et surtout,sera diffusé tel quel, sans montage, sans coupure. Pas à la télévision,mais sur le site Internet PoliTIC’Show, où on peut encore letrouver.Ce site né au printemps 2006 n’est que l’une des multiples (maisl’une des plus abouties) initiatives en ligne nées à l’occasion de la campagnepour l’élection présidentielle d’avril-mai 2007. Avec un soucide qualité d’image et de son qui n’a rien à envier à une chaîne de télévision,le PoliTIC’Show ambitionne de montrer ce que l’on ne voit pasailleurs. Pas forcément le “off”, le scoop ou le coup d’éclat.Simplement des moments indiffusables car trop longs, trop en marges,trop peu informatifs au sens “événementiel”. Interview de Jean-Marie Le Pen, commentaire de “Unes” de journaux par des citoyenslambda, rencontres informelles avec des militants PS aux assises deLa Rochelle, dîner-débat sur un bateau-mouche entre valeurs montantesde partis politiques et jeunes entrepreneurs pour causer de “LaFrance de Demain”… Il y a du bon, du moins bon, de l’anecdotique,du très sérieux. Le projet, en ce moment moins actif et pour cause,veut montrer la politique sous un aspect plus concret, plus libre de tonet plus accessible. Tout cela en un lieu où médias traditionnels etclasse politique pensaient que la politique n’avait pas sa place,Internet.La plupart des observateurs situent le tournant à l’époque du référendumsur le Traité constitutionnel de l’Union européenne. Entre sitesWeb, blogs et forums, “Oui” et “Non” enflamment les débats en ligne.En fait, le phénomène sera relevé après coup (et la victoire du “Non”),quand les médias ayant en bonne partie anticipé le “oui” chercherontcomment ils avaient bien pu louper le coche…La présidentielle a confirmé cet engouement, et les internautes n’ontpas attendu pour ça les politiques, assez lents à se convaincre de l’intérêtdes nouvelles technologies dans une campagne électorale. Entreautres parce que sur Internet, pas de contrainte de temps, de place,d’horaire. Sur un blog ou sur un forum, personne ne vous coupe laparole. Le site où vous êtes ne vous plaît pas ou plus ? Vous pouvezmonter le vôtre avec les idées qui vous conviennent mieux. Bien sûr,tout cela est sans garantie de visibilité, mais même sans un audimatsatisfaisant, votre blog ou votre forum restera en ligne.Une autre explication est d’ordre technique : l’apparition, justement,des blogs (abréviation de “weblogs”). Grosso modo, un journal debord en ligne. Chacune de vos interventions (des “posts”) y est horodatéeet tout le monde peut illico venir répondre et commenter, fairecirculer un de vos “posts” à travers la blogosphère d’un simple clic,vous envoyer une info, un son, une vidéo, etc. Le personnel politiques’y est mis, bien sûr. Dominique Strauss-Kahn, Alain Juppé (qui tienttoujours son Blog-Notes), François Fillon (qui ne publie plus que destextes officiels), Quitterie Delmas, Nicolas Dupont-Aignan, ChristianPaul… N’oublions pas que c’est sur Internet que Ségolène Royal arodé sa “démocratie participative”, avec le site Désirs d’Avenir. La présidentede la Région Poitou-Charentes et future candidate socialiste ypubliait tous les quinze jours un nouveau chapitre d’un livre à paraître.Des versions de travail, que les internautes étaient invités à commenteret à enrichir de leurs suggestions.Mais d’autres personnalités, inconnues jusque-là, se sont imposéesdans le paysage, comme Nicolas Vanbremeersch, plus connu sous lepseudonyme de Versac. Lui et d’autres blogueurs politiques (GuyBirenbaum notamment) organisent régulièrement ce qu’ils appellentdes “Républiques des Blogs”. Soit ni plus ni moins que des réunionsentre eux, dans un café. Histoire de renouer avec la vie réelle.L’inventaire des initiatives de la webcampagne pour la présidentielle2007 serait fastidieux. Ce fut une avalanche, de sites, de blogs, deparodies, de vidéos sur Dailymotion, d’images volées, de sites pour, desites contre… Citons parmi tout cela “Partis de campagne”, lancé parle magazine en ligne Fluctuat.net, qui fait s’exprimer un militantencarté de sept partis présents au premier tour (PS, PCF, UDF, FN,UMP, LCR, Verts). Il est d’ailleurs toujours actif. Ou encore IPol.fr, unmagazine vidéo entièrement consacré à la présidentielle, etaujourd’hui à la vie politique en général.actions cinéma / audiovisuel projections / 161