EUD - Institut d'histoire contemporaine - Centre Georges Chevrier ...
EUD - Institut d'histoire contemporaine - Centre Georges Chevrier ...
EUD - Institut d'histoire contemporaine - Centre Georges Chevrier ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Denis Peschanski 127<br />
revenir sur l’histoire déjà longue de la demande sociale, on peut relever combien entre les<br />
années 1950 et les années 1970 l’histoire du mouvement ouvrier était hégémonique en<br />
histoire <strong>contemporaine</strong>. Si la demande sociale était diffuse, elle n’en était pas moins<br />
efficace. Depuis, les entreprises et les administrations ont compris qu’une histoire bien<br />
faite pouvait être un facteur important de reconstruction identitaire. À consulter nombre de<br />
travaux publiés, les résultats sont loin d’avoir été négatifs, avant comme après. Faut-il<br />
récuser les premiers pour avoir négligé souvent le poids des stratégies industrielles et des<br />
impératifs techniques, et les secondes pour faire en général l’impasse sur l’histoire sociale<br />
stricto sensu�?<br />
Quoiqu’il en soit, il faut être vigilant. L’existence de structures tampons entre le<br />
chercheur et le commanditaire est la seule garantie donnée aux premiers et à ses<br />
exigences d’indépendance. Et plus généralement, on ne doit pas négliger le risque de<br />
pilotage de la recherche par l’acteur social.<br />
Mais dans une certaine mesure, l’éditeur peut jouer un rôle comparable. La<br />
multiplication des biographies, tout spécialement dans les années 1970 et 1980, conduit<br />
déjà à s’interroger sur la validité d’un tel genre historique pour appréhender la réalité dans<br />
sa complexité, et le débat est ouvert. Pour le propos qui nous occupe, il suffit de constater<br />
que le phénomène a mobilisé les énergies de nos meilleurs historiens, fortement sollicités.<br />
Comme on ne peut pas tout faire, la demande sociale débouche en l’occurrence sur des<br />
choix.<br />
D’autres acteurs sont cependant plus difficiles à maîtriser. Les longs<br />
développements sont inutiles sur le rôle des médias, mais, pour faire vite, la télévision, la<br />
radio ou la presse préfèrent le téléologique au sociétal, le scoop-document unique à la série<br />
longue. Mais de quel pouvoir d’attraction ils disposent�! Faisons encore un peu d’égohistoire,<br />
puisque le sujet y appelle�: il y a une dizaine d’années, dans une tourmente<br />
médiatique comme il en arrive quelquefois quand il s’agit à la fois de la Seconde Guerre<br />
mondiale et du PCF, j’étais, spécialité oblige, parmi les trois ou quatre historiens qui<br />
pouvaient intervenir sur le sujet en débat. Les sollicitations ont été nombreuses, et les<br />
réponses également. Inutile de dire que, dans ces circonstances, il ne reste guère de<br />
temps pour la recherche. On se sent rapidement indispensable et la mission pédagogique<br />
peut dissimuler, quelquefois, des sentiments moins avouables et moins glorieux. J’en ai<br />
pris conscience le jour où, précédé par un collègue, je cherchai toutes raisons d’expliquer (à<br />
moi-même) que j’aurais été le mieux placé pour avoir la plage entière concernée, efficacité<br />
et compétence obligent. J’ai alors pris conscience qu’il fallait retirer la main de l’engrenage.<br />
Les craintes sont nombreuses et les avertissements sévères, mais je ne récuse pas,<br />
bien au contraire, la publication des sources. D’autant que l’édition française brille par sa<br />
modestie en la matière. Il faut éviter au moins deux écueils cependant, à savoir isoler un ou<br />
quelques documents accompagnés d’un semblant de mise en perspective, ou proposer un<br />
© 1996 - <strong>EUD</strong> - <strong>Institut</strong> d’histoire <strong>contemporaine</strong> - UMR CNRS 5605 - uB - 2 bd Gabriel - bur. R56 - 21000 Dijon