EUD - Institut d'histoire contemporaine - Centre Georges Chevrier ...
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Sabine Jansen 239<br />
La planète radicale est étrangère à la galaxie communiste et réciproquement. Il faut,<br />
toutefois, nettement distinguer les fonds russes. Ils offrent, chacun, des périodisations<br />
différentes. Pour l’État soviétique proprement dit, les archives révèlent que les radicaux<br />
sont gens fréquentables et même, à fréquenter, en tant que représentants d’un parti<br />
gouvernemental de premier plan dans la France de l’entre-deux-guerres. Très différente<br />
est la vision qu’offrent les documents du Komintern. Ses cadres, de nationalité et de<br />
formation variées, ne sont pas toujours très au fait des réalités nationales auxquelles ils sont<br />
confrontés. Le radicalisme y est analysé à travers le prisme idéologique. Ce prisme est<br />
consubstantiel à l’organisation internationale créée par Lénine�; il renvoie aussi à une<br />
communauté de pensée et de langage, porteuse de sens et synonyme d’unité et<br />
d’efficacité. Il faut attendre l’année 1934, et surtout 1936, pour que les radicaux<br />
apparaissent régulièrement en tant qu’interlocuteurs valables et partenaires désirables.<br />
L’attrait qu’ils exercent alors nous ramène à l’univers des représentations communistes.<br />
L’image du radicalisme s’y décline sur trois modes.<br />
Le radicalisme symbolise la République, une République bourgeoise certes, «�aux<br />
petits pieds�», mais une République quand même. Dans la hiérarchie des régimes à<br />
abattre, celle-ci n’occupe plus la première place depuis l’irruption du fascisme. Outre leur<br />
poids symbolique, les radicaux ont un poids politique dont les partisans du Front unique<br />
mesurent toute la valeur dans la nouvelle configuration politique, née du VII e congrès de<br />
l’Internationale communiste.<br />
Le radicalisme incarne l’idéologie des classes moyennes et, au-delà, les classes<br />
moyennes tout court. Or, il devient urgent à partir de 1934 de ne pas se couper de ces<br />
classes moyennes, menacées par un processus de fascisation dont l’Allemagne, aux yeux<br />
des communistes, fournit le modèle à combattre. De là naît l’idée mise en œuvre avec<br />
succès par Barbusse, puis par ses successeurs après août 1935, d’encadrer ces classes<br />
moyennes et de les éduquer dans de vastes rassemblements, aux mots d’ordre larges,<br />
dans le but de réaliser l’alliance de ces classes avec le prolétariat.<br />
Enfin, les radicaux représentent l’élite politique du pays, voire une grande partie de<br />
son intelligentsia. Et ce n’est pas l’un des moindres paradoxes de ces organisations de<br />
masse créées et contrôlées par les communistes que de servir à la conquête d’une élite<br />
habituellement peu sensible à la thématique révolutionnaire et à la culture ouvrière<br />
communiste.<br />
Sabine JANSEN<br />
CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS<br />
© 1996 - <strong>EUD</strong> - <strong>Institut</strong> d’histoire <strong>contemporaine</strong> - UMR CNRS 5605 - uB - 2 bd Gabriel - bur. R56 - 21000 Dijon