L’ETAT DE DROIT
3Kggmbo0o
3Kggmbo0o
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Partie 6 Etat de droit et<br />
contre-terrorisme<br />
Etat de droit et contre-terrorisme<br />
Par Tom Parker*<br />
Pour paraphraser le célèbre stratège militaire prussien Carl Von Clausewitz, le terrorisme est<br />
une simple continuation de la politique par d’autres moyens. La plupart des campagnes<br />
terroristes se caractérisent par un affrontement des idées et des armes, deux visions contradictoires<br />
de l’avenir de la lutte menée par l’État pour mobiliser l’appui de la société environnante.<br />
À ce titre, le terrorisme constitue une menace véritablement existentielle pour la société avec<br />
deux parties belligérantes cherchant à rendre légitime leur prétention à gouverner. La légitimité<br />
procède de plusieurs sources (la doctrine, la foi, l’ethnicité, la sécurité ou la prospérité) mais il<br />
s’agit, au fond, d’établir un récit cohérent auquel les gens peuvent adhérer.<br />
Si le scénario fondé sur une vision de la démocratie et de l’État de droit peut ne pas être le<br />
seul à rassembler les hommes et les femmes, il n’en reste pas moins très convaincant. Mais cela<br />
n’est susceptible de se vérifier que lorsque le récit concorde avec la réalité, ce qui signifie qu’une<br />
population prend réellement part au gouvernement et jouit d’une véritable égalité devant la loi.<br />
Le terrorisme représente également un problème auquel est essentiellement confrontée la société<br />
démocratique libérale. Les régimes « fermés » ou « autoritaires » extrêmement répressifs, comme<br />
celui de l’Union soviétique de l’époque de Brejnev ou de l’Allemagne nazie, étouffent toute<br />
possibilité pour les groupes d’opposition de s’engager dans une forme d’action collective, y<br />
compris le terrorisme.<br />
*TOM PARKER<br />
est conseiller en droits<br />
de l’homme et en lutte<br />
contre le terrorisme au sein<br />
de l’Équipe spéciale de<br />
lutte contre le terrorisme<br />
(CTITF) aux Nations<br />
Unies. Il est diplômé<br />
de la London School of<br />
Economics et de la Leiden<br />
University des Pays-Bas,<br />
en droit public et en droit<br />
public international. Il<br />
a exercé pendant six ans<br />
en qualité d’officier des<br />
renseignements dans<br />
les services de sécurité<br />
britanniques (MI5) et<br />
pendant quatre ans en tant<br />
qu’enquêteur spécialisé<br />
dans les crimes de<br />
guerre au Tribunal pénal<br />
international pour l’ex-<br />
Yougoslavie à La Haye.<br />
CHAPITRE 3 | LE ROLE DU <strong>DROIT</strong> INTERNATIONAL DANS LES CADRES JURIDIQUES NATIONAUX<br />
Cela a, par exemple, été la pratique appliquée dans les années 1970 en Amérique latine, lorsque<br />
les chefs militaires ont écarté les gouvernements élus démocratiquement afin d’exercer une force<br />
coercitive maximale sur les révolutionnaires marxistes en puissance, et le général argentin Luciano<br />
Menéndez a pu se déclarer prêt à tuer 50 000 personnes (25 000 éléments subversifs, 20 000<br />
sympathisants et 5 000 innocents malchanceux) pour vaincre l’Armée révolutionnaire du peuple<br />
et les Montañeros.<br />
La mise en place de telles mesures « extrêmement répressives » n’est tout simplement pas une<br />
solution pour les États démocratiques caractérisés comme ils le sont par des principes tels que<br />
l’État de droit, un pouvoir judiciaire indépendant et fondés sur des droits civils fondamentaux.<br />
Ainsi, les États démocratiques cherchant à mettre un frein à ce genre d’opportunités politiques<br />
exploitées par les groupes terroristes ont souvent tendance à recourir à des demi-mesures<br />
autoritaires, comme le recours limité à la détention préventive, aux techniques coercitives lors des<br />
interrogatoires et à l’usage occasionnel de la force létale, générant un environnement dans lequel<br />
la légitimité du régime est abîmée aux yeux des partisans comme à ceux des opposants.<br />
149