L’ETAT DE DROIT
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faisant l’objet de différends à l’intérieur même de leurs propres pays. D’autres divergent sur la<br />
question de savoir si l’ordre public doit ou non être intégré ou s’il s’agit d’un concept différent.<br />
Enfin, certains pensent qu’une bureaucratie relativement épargnée par la corruption est implicite<br />
dans chacune des exigences visées ci-dessus, tout comme la notion relative à l’intégrité des agents<br />
des secteurs de l’administration, judiciaire et pénitentiaire, tandis que d’autres distinguent le<br />
concept de bureaucratie efficace et intègre.<br />
II. RAPPORT ENTRE CES CONCEPTS?<br />
Une bonne gouvernance ne nécessite pas forcément l’exercice de la démocratie.<br />
• Une bonne gouvernance exige de faire preuve de responsabilité à l’égard des citoyens et<br />
quelquefois d’inclusion, bien que la plupart des définitions n’aillent pas jusqu’à exiger des<br />
élections.<br />
La démocratie peut exister sans bonne gouvernance.<br />
• La démocratie impose l’obligation de rendre des comptes, l’inclusion et la participation, mais<br />
ce concept n’entend pas toujours la stabilité politique et l’absence de violence, l’efficacité<br />
gouvernementale, la qualité des réglementations, l’État de droit ou une bureaucratie intègre.<br />
Une démocratie faible peut tenir des élections libres, justes et ouvertes tout en faisant face à une<br />
violence sociétale considérable et en conservant une organisation bureaucratique corrompue et<br />
inefficace.<br />
Toutefois, la démocratie et la bonne gouvernance impliquent toutes deux certains aspects de<br />
l’État de droit.<br />
• L’État de droit est indispensable pour limiter l’action des chefs d’État et contenir la violence,<br />
de sorte que les élections puissent être libres, justes et non entachées de corruption, que les<br />
libertés civiles puissent être protégées et que les dirigeants cèdent le pouvoir après avoir perdu<br />
les élections. La bonne gouvernance exige la responsabilité gouvernementale, la mise en œuvre<br />
de moyens pour juguler la corruption et un régime juridique sans surprise : l’État de droit, tout<br />
comme les indicateurs de la Banque mondiale, est parfois considéré comme essentiel à la bonne<br />
gouvernance.<br />
*DIANE de GRAMONT<br />
est chercheur et analyste<br />
vacataire dans le Programme<br />
Démocratie et état de<br />
droit à Carnegie. Parmi ses<br />
spécialités de recherches il<br />
y a le soutien international<br />
à la démocratie et à la<br />
gouvernance, l’utilisation<br />
de l’analyse politique dans<br />
l’aide au développement<br />
et la politique de réforme<br />
de gouvernance. Elle a<br />
un doctorat en politique :<br />
gouvernement comparatif<br />
de l’Université d’Oxford<br />
et actuellement elle est<br />
candidate pour obtenir un<br />
poste de professeur à la<br />
Faculté de droit de Yale. Elle<br />
est co-auteur (avec Thomas<br />
Carothers) de l’ouvrage<br />
Development Aid Confronts<br />
Politics: The Almost<br />
Revolution (Carnegie, 2013).<br />
CHAPITRE 1 | EXPLORER <strong>L’ETAT</strong> <strong>DE</strong> <strong>DROIT</strong><br />
Une bonne gouvernance est nécessaire à L’État de droit<br />
• L’État de droit en soi nécessite certains aspects de bonne gouvernance, comme la diminution<br />
de la corruption, une organisation bureaucratique opérationnelle, l’obligation de rendre des<br />
comptes et l’ordre public.<br />
Cependant, la démocratie appuie, autant qu’elle ébranle, la primauté du droit.<br />
• L’État de droit exige que certains moyens soient mis en place pour tenir les agents du<br />
gouvernement responsables à l’égard des citoyens. La démocratie constitue la méthode la<br />
plus efficace et la plus sûre pour instaurer la responsabilité, mais ce n’est pas la seule. À titre<br />
d’exemple, les chefs traditionnels contraints par le droit coutumier et susceptibles d’être<br />
destitués par d’autres institutions, qui sont à l’écoute des citoyens, peuvent également se<br />
montrer utiles pour mettre en place l’obligation de rendre des comptes.<br />
• Les démocraties à majorité absolue peuvent miner l’État de droit en réduisant les droits des<br />
minorités. Dans les démocraties libérales solides, les institutions de la justice, comme l’appareil<br />
judiciaire, font souvent office de contrepoids à cette dimension de majorité absolue, en veillant<br />
à faire respecter les droits et l’égalité de tous les citoyens, même devant les exigences populaires<br />
d’« ordre public » ou les diverses formes de majorité ethnique, religieuse et d’autre nature.<br />
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