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mémoire - Centre National de Recherches Météorologiques

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1<br />

Chapitre 1<br />

Introduction<br />

En dépit <strong>de</strong> cette référence à Lucrèce, n’allez pas imaginer que je vais ici m’attaquer à<br />

l’histoire <strong>de</strong>s progrès scientifiques accomplis sur la compréhension du cycle <strong>de</strong> l’eau <strong>de</strong>puis l’Antiquité.<br />

Qu’il s’agisse <strong>de</strong> ses déplacements dans l’atmosphère sous forme <strong>de</strong> vapeur, <strong>de</strong> ses changements <strong>de</strong><br />

phase, <strong>de</strong> sa précipitation sous forme liqui<strong>de</strong> ou soli<strong>de</strong>, <strong>de</strong> son infiltration dans le sol, <strong>de</strong> son<br />

ruissellement, ou <strong>de</strong> son évapo-transpiration, la molécule d’eau semble avoir dévoilé l’essentiel <strong>de</strong> ses<br />

mystères. S’il revenait aujourd’hui parmi nous, Lucrèce serait néanmoins surpris <strong>de</strong> constater que la<br />

grêle ou le gel <strong>de</strong>s fleuves restent <strong>de</strong>s phénomènes le plus souvent absents <strong>de</strong> nos représentations les<br />

plus sophistiquées du climat. Sans doute également surpris d’apprendre que les modèles climatiques<br />

<strong>de</strong>meurent incapables <strong>de</strong> simuler précisément le cycle <strong>de</strong> l’eau, non seulement dans ses manifestations<br />

régionales ou extrêmes (sécheresses, inondations) mais également en terme <strong>de</strong> climatologie <strong>de</strong>s<br />

principaux réservoirs et <strong>de</strong>s flux échangés entre les continents d’une part, l’atmosphère et l’océan<br />

d’autre part. Enfin et surtout, stupéfait <strong>de</strong> réaliser à quel point il nous est encore difficile <strong>de</strong> prévoir où et<br />

en quelle quantité tombera la pluie, <strong>de</strong>main, au cours <strong>de</strong>s prochains mois, ou d’ici la fin du 21 ème siècle.<br />

Il faut sans plus attendre préciser qu’un grain <strong>de</strong> sable est venu enrayer la mécanique<br />

classique selon laquelle, jusqu’au début du 20 ème siècle, le mouvement <strong>de</strong>s atomes, comme celui <strong>de</strong>s<br />

masses d’air ou <strong>de</strong>s planètes, obéissait à une logique purement déterministe. Depuis Henri Poincaré<br />

(1854-1912) et la théorie du chaos, nous savons en effet que ces mouvements sont par essence<br />

imprévisibles dès lors que l’on se place à une échelle <strong>de</strong> temps où la moindre incertitu<strong>de</strong> sur les<br />

conditions initiales est amplifiée au point <strong>de</strong> modifier complètement la trajectoire du système étudié. Au<br />

<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette difficulté fondamentale, il faut également souligner la complexité du système climatique au<br />

sein duquel l’atmosphère ne peut être considérée comme un flui<strong>de</strong> en vase clos, mais en interaction<br />

permanente avec les océans et les continents, notamment via le cycle <strong>de</strong> l’eau. Enfin, l’histoire <strong>de</strong> la<br />

molécule d’eau se joue à <strong>de</strong> multiples échelles spatio-temporelles, allant <strong>de</strong> la microphysique <strong>de</strong>s<br />

nuages à la circulation océanique thermohaline, qui ne se contentent pas <strong>de</strong> se superposer mais sont<br />

également le siège d’interactions non-linéaires.<br />

La météorologie (du grec meteôros, élevé dans les airs) est souvent le premier exemple qui<br />

vient à l’esprit lorsque l’on souhaite illustrer la théorie du chaos. Le célèbre « effet papillon » découvert<br />

acci<strong>de</strong>ntellement au début <strong>de</strong>s années 1960 par le météorologue américain Edward Lorenz (1917-)<br />

illustre en effet l’impossibilité théorique <strong>de</strong> prévoir l’état instantané <strong>de</strong> l’atmosphère plus d’une dizaine<br />

<strong>de</strong> jours à l’avance. Au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette limite, commence le royaume du climat (du grec klima, inclinaison,<br />

faisant référence à celle <strong>de</strong>s rayons du soleil par rapport à la Terre). Ce terme désigne l’ensemble <strong>de</strong>s<br />

états <strong>de</strong> l’atmosphère sur une région ou sur le globe toute entier, et pendant une pério<strong>de</strong> donnée. La<br />

climatologie se distingue donc <strong>de</strong> la météorologie par le fait qu’elle ne vise pas à décrire, comprendre,<br />

et si possible prévoir, l’état <strong>de</strong> l’atmosphère à un instant donné, mais la distribution <strong>de</strong>s états successifs<br />

sur une pério<strong>de</strong> suffisamment longue pour en déterminer les principales statistiques.<br />

La climatologie est une discipline relativement récente, car l’idée selon laquelle les conditions<br />

climatiques ne sont pas immuables ne s’est imposée qu’au 18 ème siècle, grâce aux travaux <strong>de</strong>s<br />

premiers paléontologues (Buffon 1707-1788) faisant la preuve <strong>de</strong> l’existence passée <strong>de</strong> faunes <strong>de</strong><br />

climats chauds à nos latitu<strong>de</strong>s. Ce sont les travaux <strong>de</strong> ces mêmes paléontologues qui ont conduit<br />

l’astronome et météorologue allemand Alfred Wegener (1880-1930) à proposer la théorie <strong>de</strong> la « dérive<br />

<strong>de</strong>s continents » à laquelle fait allusion le sous-titre <strong>de</strong> ce <strong>mémoire</strong>. Aujourd’hui communément admise,

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