mémoire - Centre National de Recherches Météorologiques
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Ces travaux fondateurs ont néanmoins marqué les esprits et ont été le point <strong>de</strong> départ d’une<br />
« école <strong>de</strong> pensée » visant à privilégier la contribution <strong>de</strong>s surfaces continentales dans l’explication <strong>de</strong><br />
la variabilité <strong>de</strong> la mousson Africaine. A l’inverse, d’autres chercheurs se sont penché sur le rôle <strong>de</strong>s<br />
conditions aux limites océaniques et ces étu<strong>de</strong>s ont donné lieu à une abondante littérature qu’il est<br />
difficile <strong>de</strong> résumer en quelques lignes (lire le rapport <strong>de</strong> thèse <strong>de</strong> C. Camina<strong>de</strong> pour une synthèse sur<br />
ce thème). En bref, ces travaux montrent que la sécheresse Sahélienne peut être simulée par <strong>de</strong>s<br />
modèles atmosphériques forcés par <strong>de</strong>s TSM observées (ex : Giannini et al. 2003), mais ils fournissent<br />
<strong>de</strong>s résultats contradictoires quant à l’influence respective <strong>de</strong> chaque bassin (Lu et Delworth 2005,<br />
Hoerling et al. 2006, Zhang et Delworth 2006). Par ailleurs, l’amplitu<strong>de</strong> du signal obtenu est<br />
généralement inférieure à la tendance observée. Bien que ceci puisse s’expliquer par une contribution<br />
non négligeable <strong>de</strong> la variabilité interne <strong>de</strong> l’atmosphère (filtrée par la moyenne d’ensemble <strong>de</strong>s<br />
simulations) ou <strong>de</strong> certains forçages radiatifs (gaz à effet <strong>de</strong> serre et/ou aérosols), certains chercheurs<br />
ont cru y voir la preuve d’une contribution continentale au déficit pluviométrique observé. Rares sont<br />
pourtant les simulations qui viennent étayer cette hypothèse. Les travaux les plus souvent cités sont<br />
ceux <strong>de</strong> Zeng et al. (1999) indiquant que les rétroactions <strong>de</strong> l’HS d’une part et du couvert végétal<br />
d’autre part pourraient amplifier <strong>de</strong> manière importante le signal climatique causé par le forçage<br />
océanique. Cette étu<strong>de</strong> est cependant basée sur un modèle atmosphérique tropical simplifié (QTCM)<br />
dans lequel il est plus aisé <strong>de</strong> contrôler la variabilité climatique et sa sensibilité à la végétation (Zeng et<br />
Neelin 2000). A ma connaissance, seuls Wang et al. (2004) ont réussi à obtenir un résultat similaire<br />
avec un MCG atmosphérique. On peut toutefois douter <strong>de</strong> la robustesse <strong>de</strong> la rétroaction végétationclimat<br />
obtenue tant elle semble sensible au choix <strong>de</strong> la troncature du modèle.<br />
Faut-il alors s’engouffrer dans la brèche ? Je ne le pense pas, et ceci pour plusieurs raisons.<br />
Premièrement, les explications données à l’influence <strong>de</strong> la végétation, lorsqu’elle existe, reposent<br />
essentiellement sur le recyclage régional <strong>de</strong>s précipitations via l’évapo-transpiration (ET).<br />
Malheureusement, nous savons peu <strong>de</strong> chose sur la variabilité <strong>de</strong> l’HS à l’échelle continentale. Ainsi, si<br />
cette variabilité semble contribuer à la tendance multi-décennale <strong>de</strong>s précipitations sur l’Afrique <strong>de</strong><br />
l’Ouest, est-elle correctement reproduite par les modèles ou au contraire surestimée en raison<br />
notamment d’une sous-estimation du ruissellement <strong>de</strong>s régions ari<strong>de</strong>s via le mécanisme <strong>de</strong> Horton ?<br />
Surestimer les anomalies d’HS peut conduire à amplifier l’impact <strong>de</strong> la végétation lorsque la relation HS<br />
– ET est correctement calibrée. La sous-estimer peut a contrario conduire à une mauvaise calibration<br />
<strong>de</strong> cette relation et aboutir au même résultat, à savoir une forte sensibilité <strong>de</strong> l’ET à la végétation<br />
masquant une réponse insuffisante aux variations d’HS. C’est donc chaque maillon <strong>de</strong> la chaîne qui<br />
relie la variabilité <strong>de</strong>s précipitations à celle <strong>de</strong> la végétation qui doit être validé, et pas seulement le<br />
résultat final.<br />
Deuxièmement et <strong>de</strong> manière plus importante, le mo<strong>de</strong> forcé repose sur une hypothèse forte, à<br />
savoir la relative passivité <strong>de</strong> l’atmosphère au sein du système climatique aux échelles <strong>de</strong> temps<br />
saisonnière à décennale. Cette approximation est régulièrement remise en cause <strong>de</strong>puis quelques<br />
années et le caractère fondamental du couplage océan-atmosphère pour la simulation <strong>de</strong> la variabilité<br />
climatique (notamment tropicale) <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus flagrant (ex : Douville 2005). Il est ainsi<br />
légitime <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s’il faut attendre d’une simulation forcée par <strong>de</strong>s TSM mensuelles réalistes<br />
qu’elle reproduise précisément la variabilité multi-décennale observée. Par ailleurs, les étu<strong>de</strong>s<br />
contradictoires quant à la contribution <strong>de</strong>s différents bassins océaniques à la sécheresse observée (Lu<br />
et Delworth 2005, Hoerling et al. 2006, Zhang et Delworth 2006) témoignent <strong>de</strong> la complexité <strong>de</strong>s<br />
interactions entre la mousson Africaine et l’océan global et <strong>de</strong> la difficulté <strong>de</strong>s modèles - forcés et<br />
couplés - à reproduire <strong>de</strong> telles téléconnexions (Joly et al. 2007). Dans ces conditions, le recours à une<br />
forte rétroaction <strong>de</strong>s surfaces continentales ne peut t’il pas simplement combler les lacunes d’une<br />
modélisation irréaliste du couplage océan-atmosphère ?<br />
Troisièmement, les TSM ne représentent pas l’unique forçage <strong>de</strong> l’atmosphère sur la pério<strong>de</strong><br />
incriminée. En effet, la <strong>de</strong>uxième moitié du 20 ème siècle a vu une accélération <strong>de</strong>s émissions<br />
anthropiques <strong>de</strong> GES et d’aérosols, ainsi qu’une utilisation toujours plus intensives <strong>de</strong>s surfaces<br />
cultivables (IPCC 2001). Ecartons dès maintenant ce <strong>de</strong>rnier facteur dont plusieurs étu<strong>de</strong>s (ex : Taylor