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L'Elegance du herisson

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personne autour de moi. J’ai compris que j’en voulais à papa, à<br />

maman et surtout à Colombe parce que je suis incapable de leur<br />

être utile, parce que je ne peux rien pour eux. Ils sont trop loin<br />

dans la maladie et je suis trop faible. Je vois bien leurs<br />

symptômes mais je ne suis pas compétente pour les soigner et,<br />

<strong>du</strong> coup, ça me rend aussi malade qu’eux mais je ne le vois pas.<br />

Alors que, en tenant la main de Mme Michel, j’ai senti que<br />

j’étais malade moi aussi. Et ce qui est sûr, en tout cas, c’est que<br />

je ne peux pas me soigner en punissant ceux que je ne peux pas<br />

guérir. Il faut peut-être que je repense cette histoire d’incendie<br />

et de suicide. D’ailleurs, je dois bien l’avouer : je n’ai plus<br />

tellement envie de mourir, j’ai envie de revoir Mme Michel, et<br />

Kakuro, et Yoko, sa petite-nièce si imprédictible, et de leur<br />

demander de l’aide. Oh, bien sûr, je ne vais pas me pointer en<br />

disant : please, help me, je suis une petite fille suicidaire. Mais<br />

j’ai envie de laisser les autres me faire <strong>du</strong> bien : après tout, je ne<br />

suis qu’une petite fille malheureuse et même si je suis<br />

extrêmement intelligente, ça ne change rien au fait, non ? Une<br />

petite fille malheureuse qui, au pire moment, a la chance de<br />

faire des rencontres heureuses. Est-ce que j’ai moralement le<br />

droit de laisser passer cette chance ?<br />

Bof. Je n’en sais rien. Après tout, cette histoire est une<br />

tragédie. Il y a des gens valeureux, réjouis-toi ! ai-je eu envie de<br />

me dire, mais finalement, quelle tristesse ! Ils finissent sous la<br />

pluie ! Je ne sais plus trop quoi penser. Un instant, j’ai cru que<br />

j’avais trouvé ma vocation ; j’ai cru comprendre que, pour me<br />

soigner, il fallait que je soigne les autres, enfin les autres<br />

« soignables », ceux qui peuvent être sauvés, au lieu de me<br />

morfondre de ne pas pouvoir sauver les autres. Alors quoi, je<br />

devrais devenir toubib ? Ou bien écrivain ? C’est un peu pareil,<br />

non ?<br />

Et puis pour une Mme Michel, combien de Colombe,<br />

combien de tristes Tibère ?<br />

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