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L'Elegance du herisson

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conformés de telle sorte que cela ne m’apparaît pas et que<br />

l’immonde tas de colle verte, trompant mon dégoût et ma<br />

candide confiance, se présente à ma conscience sous l’apparence<br />

d’un animal domestique glouton et soyeux.<br />

Voilà l’idéalisme kantien. Nous ne connaissons <strong>du</strong> monde<br />

que l’idée qu’en forme notre conscience. Mais il existe une<br />

théorie plus déprimante que celle-ci, une théorie qui ouvre des<br />

perspectives plus effrayantes encore que celle de caresser sans<br />

s’en rendre compte un morceau de bave verte ou, le matin,<br />

d’enfoncer dans une caverne pustuleuse vos tartines que vous<br />

croyiez destinées au grille-pain.<br />

Il existe l’idéalisme de Edmund Husserl, qui m’évoque<br />

désormais une marque de robes de bure pour prêtres sé<strong>du</strong>its<br />

par un obscur schisme de l’Église baptiste.<br />

Dans cette dernière théorie n’existe que l’appréhension <strong>du</strong><br />

chat. Et le chat ? Eh bien on s’en passe. Nul besoin <strong>du</strong> chat. Pour<br />

quoi faire ? Quel chat ? Désormais, la philosophie s’autorise à ne<br />

plus se vautrer que dans le stupre <strong>du</strong> pur esprit. Le monde est<br />

une réalité inaccessible qu’il serait vain de tenter de connaître.<br />

Que connaissons-nous <strong>du</strong> monde ? Rien. Toute connaissance<br />

n’étant que l’auto-exploration de la conscience réflexive par ellemême,<br />

on peut donc envoyer le monde au diable.<br />

Telle est la phénoménologie : la « science de ce qui apparaît<br />

à la conscience ». Comment se passe la journée d’un<br />

phénoménologue ? Il se lève, a conscience de savonner sous la<br />

douche un corps dont l’existence est sans fondement, d’avaler<br />

des tartines néantisées, d’enfiler des vêtements qui sont comme<br />

des parenthèses vides, de se rendre à son bureau et de se saisir<br />

d’un chat.<br />

Peu lui chaut que ce chat existe ou n’existe pas et ce qu’il est<br />

en son essence même. Ce qui est indécidable ne l’intéresse pas.<br />

En revanche, il est indéniable qu’à sa conscience apparaît un<br />

chat et c’est cet apparaître qui préoccupe notre homme.<br />

Un apparaître au reste bien complexe. Que l’on puisse à ce<br />

point détailler le fonctionnement de l’appréhension par la<br />

conscience d’une chose dont l’existence en soi est indifférente<br />

est proprement remarquable. Savez-vous que notre conscience<br />

ne perçoit pas tout de go mais effectue des séries compliquées<br />

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