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Lire le livre - Ibiblio

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M. Goyet 60 , que la mort a si fata<strong>le</strong>ment surpris au milieu de ses travaux, se rappel<strong>le</strong>rait<br />

au souvenir, s’il était de ceux qu’on pût oublier, par un grand tab<strong>le</strong>au malheureusement<br />

inachevé ; il représente <strong>le</strong> Massacre des Innocents 61 . Jamais ce sujet, un<br />

peu vulgaire, n’a peut-être été traité plus dramatiquement ; la scène est vaste, <strong>le</strong>s épisodes<br />

y sont nombreux et variés, et rendent bien toutes <strong>le</strong>s situations possib<strong>le</strong>s de cette<br />

épouvantab<strong>le</strong> boucherie. M. Goyet avait bien peu de choses à faire pour terminer cette<br />

bel<strong>le</strong> œuvre, il n’aura malheureusement pu jouir de son succès ; c’est l’éternel<strong>le</strong> loi du<br />

Sic vos non vobis ! 62<br />

Il ne faut pas trop regarder <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>aux de M. Picou 63 , si l’on veut en emporter<br />

une impression gracieuse ; ils ne peuvent produire qu’un attrait fugitif ; c’est une façon<br />

de peindre bizarre et trompeuse ; aussi, à ce sentiment douceâtre, inexplicab<strong>le</strong>, indécis<br />

que l’on éprouvait d’abord, succèdent promptement la fadeur et l’ennui ; voilà<br />

ce que l’on ressent devant <strong>le</strong> Bain et l’Etoi<strong>le</strong> du soir. Ces jeunes Grecques, dont <strong>le</strong>s<br />

contours frissonnent sans cesse, semb<strong>le</strong>nt habiter un éternel brouillard dans <strong>le</strong>quel <strong>le</strong><br />

peintre distribue, à sa fantaisie, une lumière de convention : ceci n’est plus de l’art sérieux.<br />

Cependant l’obstination de quelques peintres à s’emprisonner dans ce genre<br />

faux est remarquab<strong>le</strong>, et ne peut s’expliquer que par une indo<strong>le</strong>nce naturel<strong>le</strong> de<br />

l’imagination.<br />

Nous compléterons la liste des tab<strong>le</strong>aux de M. Anastasi, en citant un So<strong>le</strong>il couchant<br />

en hiver (Hollande), <strong>le</strong> Vieux moulin, So<strong>le</strong>il couché, dignes en tous points de<br />

<strong>le</strong>ur signature, et surtout une ravissante toi<strong>le</strong>, un Matin en été, <strong>le</strong> seul paysage que M.<br />

Anastasi n’ait pas emprunté à la Hollande ; il est impossib<strong>le</strong> de rien imaginer d’un effet<br />

plus doux, plus humide, plus suave, et qui rappel<strong>le</strong> à ce point <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures toi<strong>le</strong>s<br />

de M. Corot.<br />

Nous terminerons en parlant des deux tab<strong>le</strong>aux que M. Tabar 64 a donnés au Salon.<br />

L’un représente une Horde de Barbares 65 ; il est énergiquement peint ; il dit, ou plutôt<br />

il crie lui-même son sujet ; on y trouve une grande harmonie de cou<strong>le</strong>ur vio<strong>le</strong>nte ;<br />

mais qu’il nous soit permis de <strong>le</strong> mentionner seu<strong>le</strong>ment pour par<strong>le</strong>r plus au long de la<br />

seconde toi<strong>le</strong> de M. Tabar. C’est un des meil<strong>le</strong>urs souvenirs de la campagne de Crimée,<br />

qui contraste avec <strong>le</strong>s hauts faits et <strong>le</strong>s pompes militaires de M. Yvon et de M.<br />

Protais. Le titre du tab<strong>le</strong>au suffit à l’expliquer ; c’est l’Aumônier b<strong>le</strong>ssé ; deux soldats<br />

l’emportent sur <strong>le</strong>urs épau<strong>le</strong>s ; autour de cette situation triste, on sent une atmosphère<br />

brûlante de poudre et de fumée. M. Tabar a produit un grand sentiment avec un sujet<br />

60 Eugène Goyet (1807-1857), élève de Gros, mort en mai 1857, 2 médail<strong>le</strong>s aux salons<br />

précédents.<br />

61 « Cette composition est conçue dans <strong>le</strong> goût classique ; <strong>le</strong>s effets dramatiques y<br />

sont cherchés ; <strong>le</strong>s groupes sont arrangés, et quelques-uns empruntés au même sujet<br />

traité par Rubens. . . Cette peinture, qui eût certainement gagné encore si l’artiste avait<br />

pu la terminer, a des qualités incontestab<strong>le</strong>s sous <strong>le</strong> rapport du dessin et de la composition<br />

» (AUVRAY, p. 29).<br />

62 « Ainsi vous [travail<strong>le</strong>z] mais non pour vous », de Virgi<strong>le</strong>, tracé sur la porte d’un<br />

palais sous Auguste, cité par Hugo dans <strong>le</strong> drame, Marion Delorme (1831).<br />

63 Henri-Pierre Picou (1824-1895), élève de Delaroche, genre historique. Rappel de<br />

2 e classe au Salon.<br />

64 Léopold Tabar (1818-1869), élève de Paul Delaroche.<br />

65 « La Horde des Barbares serait un excel<strong>le</strong>nt tab<strong>le</strong>au, si el<strong>le</strong> n’était pas restée un<br />

peu trop à l’esquisse » (NADAR, p. 54).<br />

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