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car dans ce salon p<strong>le</strong>in d’élégantes choses d’art, il y avait là de sp<strong>le</strong>ndides étoffes, des<br />
statuettes, des marbres, des bronzes, des lustres à faire étince<strong>le</strong>r à la façon de Van Ostade<br />
23 .<br />
M. Eugène Giraud 24 a cherché <strong>le</strong> succès populaire et a réussi à merveil<strong>le</strong> dans ce<br />
tab<strong>le</strong>au qu’il appel<strong>le</strong> Bouc<strong>le</strong> à l’œil 25 ; c’est une sorte de garde-française, un franc luron,<br />
à demi renversé sur son lit ; sa jambe est campée sur <strong>le</strong> dossier d’une chaise ; il<br />
sourit et débite de grosses galanteries sans doute, pendant qu’une jolie fil<strong>le</strong>, au frais<br />
minois, <strong>le</strong> frise et <strong>le</strong> pomponne de sa petite patte ; cette situation faci<strong>le</strong> et amusante<br />
rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s fringantes scènes de la Permission de dix heures 26 , et la gravure va la populariser<br />
bien vite, si ce n’est déjà fait. Quant à cette grande toi<strong>le</strong>, que M. Giraud appel<strong>le</strong><br />
Rendez-vous de chasse, il vaut mieux n’en pas par<strong>le</strong>r ; ce sont des portraits, dit <strong>le</strong><br />
<strong>livre</strong>t ; tant mieux pour <strong>le</strong> peintre, car c’est sa seu<strong>le</strong> excuse.<br />
Deux admirab<strong>le</strong>s toi<strong>le</strong>s de M. Français 27 se trouvent réunies dans la même sal<strong>le</strong>,<br />
et sollicitent l’admiration généra<strong>le</strong> ; l’une est un Souvenir de la vallée de Montmorency<br />
28 ; el<strong>le</strong> représente une charmante maison de campagne, devant laquel<strong>le</strong> s’étend une<br />
verte pelouse ombragée de beaux arbres ; <strong>le</strong>s rayons du so<strong>le</strong>il, tamisés par <strong>le</strong> rideau de<br />
feuillage, produisent sur <strong>le</strong> gazon des jeux merveil<strong>le</strong>ux d’ombre et de lumière. Le magnifique<br />
ta<strong>le</strong>nt du peintre se révè<strong>le</strong> dans ces combinaisons diverses ; rien de suave et<br />
de pittoresque comme ces effets dérobés à la nature ; ce qu’il y a de douce température<br />
et de verdoyante atmosphère sous ces beaux arbres, ne saurait se décrire ; quelques<br />
groupes d’enfants et de jeunes femmes sont harmonieusement disposés, et se complaisent<br />
dans cette toi<strong>le</strong> tout empreinte d’un charme frais et pénétrant. Le sentiment est<br />
bien distinct et rendu avec non moins de ta<strong>le</strong>nt dans son second tab<strong>le</strong>au ; c’est une<br />
Bel<strong>le</strong> journée d’hiver 29 ; une froide et vive lumière se joue à travers <strong>le</strong>s branches dépouillées<br />
des arbres ; <strong>le</strong> sol, exposé bruta<strong>le</strong>ment aux rayons obliques du so<strong>le</strong>il, est analysé,<br />
fouillé, peint avec un ta<strong>le</strong>nt hors ligne, et l’on ne saurait trop admirer, dans<br />
l’ensemb<strong>le</strong> comp<strong>le</strong>xe des détails, la vérité et la logique de chaque effet.<br />
23 Adriaen Van Ostade (1610-1685), peintre hollandais.<br />
24 Pierre-François-Eugène Giraud (1806-1881), peintre graveur, portraitiste de<br />
Flaubert, prix de Rome en 1826, médail<strong>le</strong>s en 1833 et 1836.<br />
25 Tiré d’une chanson de Jean-Joseph Vadé (1719-1757), chansonnier et dramaturge.<br />
« Charmant » (AUVRAY, p. 61).<br />
26 Opéra-comique en un acte, paro<strong>le</strong>s de Me<strong>le</strong>svil<strong>le</strong> et Carmouche, musique<br />
d’Offenbach (1819-1880).<br />
27 François Louis Français (1814-1897).<br />
28 « Un écrin p<strong>le</strong>in d’émeraudes et de saphirs ouvert au so<strong>le</strong>il » (DU CAMP, p. 111).<br />
« Ce maître. . . a encore montré la puissance de sa cou<strong>le</strong>ur, la richesse de sa pa<strong>le</strong>tte »<br />
(AUVRAY, p. 6).<br />
29 « M. Français vient d’accomplir un tour de force, presque un chef-d’œuvre, dont <strong>le</strong><br />
dessin est d’une magistra<strong>le</strong> pureté. La terre est blanche de neige et <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il reluit ; il fait<br />
froid, il gè<strong>le</strong>, et cependant, sous la lumière plutôt que sous la cha<strong>le</strong>ur, la neige commence<br />
à fondre dans la prairie » (DU CAMP, p. 110). « Un coloris qui conserve même du charme<br />
et de la cha<strong>le</strong>ur. . . <strong>le</strong> chef-d’œuvre de ce maitre » (AUVRAY, p. 66).<br />
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